Lorsqu'un avocat a entre les mains un dossier où la drogue trône, il va alors piocher et chercher des arguments dont l'écoute va entraîner le magistrat sur le terrain souhaité par tous les amateurs d'une justice à la main d'acier gantée de velours, celui de l'indulgence. Et ici, à El Harrach, cette juridiction-usine, où pas moins de 1000 détenus/mois au bas mot défilent avec des destins différents, ce dimanche, Radja Bouziani, la juge, se démène sans trop chercher les poux dans la tête d'un inculpé de détention et usage de came qui a un avocat en... or. Lorsque le greffier appela Tayeb F., 22 ans, Radja Bouziani, la présidente du pénal d'El Harrach (cour d'Alger), avait un œil sur maître Mohamed Djediat, l'avocat du détenu. En effet, l'avocat n'avait pas ôté sa fine paire de lunettes qu'il se leva pour s'avancer à la barre, arborant un sourire franc en direction de son jeune client comme pour lui signifier qu'il était au tribunal pour le tirer de la gadoue dans laquelle il avait marché. Sachant pertinemment que tout magistrat qui avait en face un inculpé «puceau» en matière de sniff, maître Djediat était sûr que la partie était jouable. «Inculpé, reconnaissez-vous avoir été pris en flagrant délit de consommation de stups, et ce, en vertu de l'article 12 de la loi n°04-18 du 25 décembre 2004, relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ?», balance la présidente, comme si elle venait de réciter un passage d'une fable tant elle avait été claire en reprenant la loi. Tayeb dit oui avant de sangloter, car il venait de voir derrière lui, à sa gauche, ses parents assis et catastrophés que leur enfant soit au milieu de malfrats et, debout, reconnaissant avec beaucoup de honte le délit qu'il n'avait probablement jamais prévu. La juge va vite. Elle consulte Messaoud Kennas, le procureur rouquin qui n'a pas voulu trop appuyer sur la gâchette. «Trois mois de prison ferme, surtout que ce jeune n'a pas trop malmené la justice depuis son interpellation», avait dit le parquetier. Pour ne pas être en reste, maître Djediat joue le seigneur et fait mieux que Kennas. Il va plaider court et juste. «Regardez son visage. Son regard est plein de regrets. La détention préventive de trois nuits aura été dure pour lui. Tendez-lui la perche. Ce tribunal ne le regrettera pas car si par malheur il revient passer une autre nuit aux ‘‘Quatre ha'', sa vie est fichue», a dit l'avocat en «or». Le sursis allait effectivement sauver Tayeb.