Le premier vol civil européen, en direction de Baghdad, a eu enfin lieu après vingt ans d'embargo. Atterrissage réussi pour l'Airbus de la compagnie Aigle Azur, en provenance de Paris. A son bord, la Secrétaire d'Etat française au commerce extérieur, Anne-Marie Idrac, et une quarantaine d'hommes d'affaires. C'est dire que la France ne compte pas se laisser devancer par les grandes puissances mondiales, la reconstruction de l'Irak, hors hydrocarbures, est estimé à 450 milliards de dollars ! La crise étant toujours ce qu'elle est sur le vieux continent, il était temps que la Ve République française fasse un retour remarqué. Le A319 n'a pas pu passer inaperçu, même si les forces de l'ordre irakiennes étaient mobilisées afin de libérer des otages retenus par des éléments armés d'Al Qaïda dans une église chaldéenne. On connaît le triste bilan de l'assaut, la jeune armée irakienne a encore besoin de s'entraîner et, peut-être, calquer les schémas des interventions des forces spéciales russes. Les forces armées égyptiennes feraient-elles mieux, si l'organisation de Ben Laden venait à récidiver contre les coptes, à l'expiration du délai de quarante-huit heures, accordé au gouvernement de Hosni Moubarak pour la libération des djihadistes emprisonnés en Egypte ? Ce qui est certain, la communauté chrétienne établie au Moyen-Orient va devoir subir la «nouvelle» stratégie d'Al Qaïda qui, en outre, n'achète plus de billets d'avion pour ses kamikazes mais se contente de remplir des bordereaux d'expédition de colis piégés sous de fausses identités. Les prières du pape Benoît XVI risquent de s'avérer vaines, l'internationale terroriste semble décidée à provoquer un exode de chrétiens, les forces étrangères en présence en Irak ne vont pas plier bagage de sitôt juste pour faire plaisir aux Saddamistes et leurs «alliés» de la branche locale d'Al Qaïda. Ce, bien que les tentatives d'instaurer la démocratie n'ont toujours pas été concluantes. Quels que soient les ratages passés et ceux à venir, il faut se mettre en tête que l'apprentissage démocratique, conçu et importé par les libérateurs occidentaux, est «payant». Gracieusement. Sauf que la patience doit être de mise, les grands partis de la République d'Irak, doivent d'abord s'entendre sur la future composition du gouvernement de Baghdad. Sinon, sur le partage des portefeuilles, certains sont beaucoup plus remplis que d'autres. Au grand dam de la famille royale d'Arabie Saoudite, les piliers du bloc du Premier ministre irakien, Nouri El Maliki, n'iront pas chercher le compromis en terre sainte, à la fin du pèlerinage à la Mecque. Les chiites d'Irak ont adressé une fin de non-recevoir aux Saouds sur l'éventualité de l'ouverture de négociations irako-irakiennes en terre sunnite. Pourtant, les assurances de Ryad, sur la non-imposition d'un quelconque préalable, ont été abondantes. Les chiites d'Irak préfèrent-ils aller se réconcilier chez leurs grands frères d'Iran ? Le récent séjour de Nouri El Maliki chez le guide suprême, Ali Khamenei, n'était pas dû à un simple hasard du calendrier. Sans façon, le royaume wahhabite peut accueillir un nouveau round de pourparlers Fatah-Hamas mais les Irakiens ne savent pas laver leur linge sale dans le lavoir de ses voisins. En optant pour un lessivage dans les eaux de l'Euphrate, la naissance du gouvernement de Baghdad se fera-t-elle dans des draps propres et dans les plus brefs délais pour permettre à la France et au reste des puissances mondiales concurrentes d'entamer la babylonienne reconstruction de l'Irak ? A s'en tenir aux craintes de la Fédération de Russie, dont le déplacement de son Président sur les îles Kouriles vient de piquer à vif le Japon, pendre haut et court l'ancien vice-président Tarek Aziz va encore compliquer la donne dans l'Irak des potences. Et ce n'est pas une Loya Jirga à l'irakienne qui ferait l'affaire, les possibles concessions de part et d'autre demeurent intiment liées au jeu régional, en partie ouverte. Au premier parmi les Occidentaux ou les voisins de l'Irak qui se déclarera vaincu pour espérer une sortie de crise et le début d'une reconstruction qui fait baver tout ce beau monde des belles affaires.