Les pluies qui se sont abattues durant les dernières 48 heures sur le nord du pays n'ont pas été sans conséquences sur l'activité socioéconomique de la Mitidja. Des villages entiers sont encerclés par les eaux qui débordent des cours d'eau. De quoi irriter au plus haut point les habitants dont certains ont décidé de bloquer l'autoroute Alger-Blida. La population de Haouch Toni, dans la commune de Saoula, où les gens sont coupés du monde, a procédé hier matin à la fermeture de l'autoroute Alger-Blida pour protester contre l'inertie des autorités locales. Le seul chemin qui mène vers leur village est bloqué par les eaux qui ont aussi détruit le pont construit par l'APC. «Il y a un oued qui passe par cette route qui dessert notre village. Suite aux premières pluies de septembre, les services de l'APC de Saoula sont venus nous rendre visite après que les jeunes aient fermé la route aux automobilistes. Regardez ce travail, ils ont (agents de l'APC) ramené deux buses de récupération qu'ils ont couvertes de sable», nous dit Amar, un habitant du village. «Nos enfants sont à la maison, ils n'ont pas été à l'école car la route est barrée, nous souhaitons qu'il n'y ait pas de malade ces jours-ci sinon…». En contrebas du village, une pelle mécanique d'une entreprise chinoise est sur les lieux pour dégager les tonnes de boue chariées par les eaux pour permettre aux camions de l'entreprise de passer. Aucun agent de la commune de Saoula ou des services des travaux publics n'est sur place. La population est livrée à elle-même. «La responsabilité de la commune de Saoula est entière, car cette déviation d'oued a été et demeure toujours un danger pour la population. Cette voiture est submergée d'eau, à cause de la fermeture des canaux d'évacuation par la commune pour des raisons qu'on ignore», fulmine Mabrouk, un autre habitant de Haouch Toni. Ce village, situé entre les communes de Kheraïcia et Saoula, est connu aussi pour les orangeraies et néfliers plantés alentours. Pour ses cultures maraîchères aussi. Les pertes sont énormes. «Les champs de cardes, de navets et de pomme de terre sont tous submergés par les eaux, soit des pertes qui se chiffrent en milliards, tout cela à cause du bricolage de la commune», conclut Mabrouk. Deux heures d'averses, des millions de pertes Le cas de la ferme Bab Ezerga est édifiant. Des hectares d'orangers sont perdus. D'ailleurs, les fruits ont été arrachés par la force des vents. Il faut aussi, nous explique-t-on, cueillir les oranges et les mandarines avant terme, «sinon elles pourrissent». Djilali, exploitant agricole, explique que depuis le mois d'août, il n'a pas cessé d'alerter les services de la commune pour désengorger et déboucher les canalisations. En vain. «Le maire et ses adjoints ne viennent nous voir que pour prendre des caisses pleines d'oranges ou pendant la campagne électorale. Mais quand nous demandons de l'aide, ils font la sourde oreille ou s'éclipsent carrément». Le constat est amer, les images sont là, des tonnes d'oranges tombées des arbres gisent dans l'eau. «Je me rends, je suis impuissant, c'est la deuxième année consécutive que je perds ma récolte.» Les tentes des militaires submergées Au niveau du barrage militaire installé à l'intersection menant vers Benchaâbane, Mahelma et Baba Ali, l'eau a submergé la tente servant de logis aux jeunes appelés. Pieds nus, pantalons soulevés, une barre de fer à la main, un jeune appelé tente d'ouvrir le couvercle de l'unique regard pour évacuer les eaux. Les traces de la crue sont visibles, les sacs de sable servant d'abri sont emportés par les eaux. Les militaires tenus par le devoir de réserve refusent tout commentaire. «Nous essayons d'éviter le pire pour notre poste de garde», s'est limité à dire un des soldats. A quelques encablures de la zone de Baba Ali, les terres de l'ex-ferme Löw longeant une bonne partie de la zone sont inondées, les arbres fruitiers submergés, les axes routiers bloqués. Pis encore, même le pont risque de s'effondrer. Salim, agriculteur, nous montre les fissures causées par la force de la crue à l'ouvrage d'art. L'entrepreneur qui l'a construit était sur place. «Au moment des travaux, dit-il, j'ai demandé aux responsables locaux de renforcer le tablier du pont par trois, voire quatre buses de grosse dimension pour faciliter l'écoulement des eaux, mais l'ingénieur a refusé et voilà où nous en sommes maintenant !» De l'autre côté de la route, le cimetière du village est menacé. «Les tombes bétonnées ont été fissurées par la force de l'eau et les autres se trouvent dans un état piteux. On ne peut même plus les identifier car les plaques ont disparu avec les fortes crues», explique Salim, avant d'ajouter que «les tombes perchées se sont écroulées. Du coup, des morts ont été déterrés. Le pire, c'est qu'aucun agent de la commune n'a daigné venir ne serait-ce que pour rassurer la population». Bien sûr, là aussi, les enfants n'ont pu rejoindre l'école et les ouvriers leur lieu de travail. Sur plusieurs portions de l'autoroute, les eaux stagnantes gênent considérablement la circulation. Elles ont causé plusieurs accidents dont un carambolage impliquant une dizaine de voitures. Ainsi est l'état de la Mitidja.