Les forces anti-émeutes marocaines ont brutalement délogé, hier à l'aube, les 20 000 Sahraouis qui s'étaient établis dans le camp de toile d'Al Ayoune pour protester contre le pillage des ressources naturelles du Sahara occidental et réclamer leur droit à l'autodétermination. «En réaction au discours du roi» En l'absence des journalistes étrangers, qui ont tous été expulsés ou carrément refoulés à l'aéroport de la capitale sahraouie, des témoins sur place ont, dans des conversations téléphoniques avec les médias, fait état d'une rare brutalité de cet assaut qui aurait fait de nombreux blessés. Les forces de police et de gendarmerie ont usé de gaz particulièrement toxiques et de gourdins pour obliger femmes et enfants à évacuer le camp de toile avant de le démonter. «C'est une atmosphère indescriptible», dira un jeune indépendantiste qui se trouvait sur les lieux au moment de cette prise d'assaut qui intervenait au lendemain des manifestations indépendantistes à Al Ayoune. Ces manifestations auraient éclaté dès dimanche en réaction au discours provocateur que le roi Mohammed VI avait prononcé vendredi à la veille du 35e anniversaire de la «marche verte». Le monarque avait volontairement ignoré les revendications politiques du camp de toile que les autorités marocaines avaient, tout au long de cette protestation inédite, présentées comme exclusivement «sociales». Irrités, des groupes de jeunes sahraouis ont alors commencé à sortir dans la rue par centaines scandant les slogans que le pouvoir marocain craignait d'entendre. «Une déclaration de guerre» Dans une ville aussitôt assiégée, la population a dressé des barricades face aux assauts des forces anti-émeutes. Là encore, les forces d'occupation n'ont pas hésité devant les moyens pour réprimer ces manifestations qui intervenaient à la veille de l'ouverture des négociations informelles entre le Front Polisario et le Maroc, près de New York. Sur ces négociations, le délégué du Front Polisario à Madrid, Beyoun Bichara, ne se faisait pas trop d'illusion dans une déclaration à la presse dimanche. Selon le délégué sahraoui, par le discours dans lequel il a proféré des «menaces» contre l'Algérie et le mouvement sahraoui, une véritable «déclaration de guerre», le monarque a voulu «créer un climat de grande tension afin de bloquer les négociations de New York». Cet avis est partagé par la presse espagnole qui multiplie commentaires et éditoriaux sur la vague de répression qui se déroule dans l'ancienne colonie espagnole et ses critiques à l'égard de la politique annexionniste marocaine d'un territoire non autonome. «Le référendum torpillé» par Rabat C'est notamment le cas du journal ABC selon lequel «le roi du Maroc a bloqué toute issue au conflit du Sahara occidental à travers son discours qui est venu confirmer la position de faiblesse dans laquelle se trouve en ce moment le Maroc, auquel la communauté internationale doit envoyer le plus tôt possible un message de fermeté au sujet de ce qui se passe dans les camps de toile au lieu de continuer à faire preuve d'une attitude de complaisance à son égard, comme le fait le gouvernement espagnol». C'est le cas aussi du quotidien La Vanguardia qui a souligné que «les négociations entre le Front Polisario et le Maroc reprennent dans un climat marqué par les revendications sociales des populations sahraouies, qui réclament notamment un référendum d'autodétermination au Sahara occidental». Le journal catalan estime que «Rabat a torpillé le projet de référendum au mépris de la mission de la Minurso», tout en rappelant que «le conflit du Sahara occidental est né parce que l'Espagne n'a pas respecté sa responsabilité de conduire son ancienne colonie à la décolonisation, un territoire non autonome qu'elle a cédé au Maroc en échange de certaines compensations, à la faveur de l'accord tripartite de Madrid que l'ONU qualifie d'illégal». L'eurodéputé Willy Meyer brutalisé à l'aéroport d'Al Ayoune Dimanche, Willy Meyer et trois journalistes qui l'accompagnaient dans son voyage ont été bloqués, avant d'être expulsés dans leur avion qui venait de se poser à l'aéroport d'Al Ayoune. L'eurodéputé communiste espagnol envisageait de s'enquérir de la tension qui montait chaque jour d'un cran entre les indépendantistes et les autorités d'occupation dans le camp de toile, avant sa prise d'assaut quelques heures plus tard. La police marocaine a fait irruption dans l'avion pour prendre à partie violemment l'eurodéputé espagnol et l'un des trois journalistes dont ils ont confisqué les titres de voyage et autres documents en leur possession. Les policiers marocains s'en prendront ensuite «sans ménagement» au reste des passagers espagnols outrés par cette scène de violence particulière. Ils n'hésiteront pas à bousculer brutalement le commandant de bord qui leur avait ordonné de quitter l'avion en faisant valoir qu'il était le seul maître à bord. De retour à Las Palmas, Willy Meyer, connu pour être un ferme soutien du Front Polisario, donne une conférence de presse et assure que cette affaire des expulsions et des bastonnades des journalistes, avocats, parlementaires et observateurs étrangers n'en restera pas là. Après avoir pris contact avec ses collègues du Parlement européen, il a déclaré à la presse qu'il allait «saisir» la ministre espagnole des Affaires étrangères, Mme Trinidad Jimenez, et la haute représentante à la politique extérieure de l'Union européenne, Mme Catherine Ashton, pour «exiger des explications» à Rabat pour le comportement «intolérable» de sa police.