Bien que soutenus par le Parti populaire européen, les socialistes ont échoué dans leur manœuvre visant à éviter un débat parlementaire immédiat sur la répression marocaine au Sahara occidental. Après un vote serré, les eurodéputés ont adopté, par 156 voix contre 113 et 16 abstentions, la motion dans laquelle le député communiste portugais, Joan Ferrer, a demandé un débat sans délais sur la situation «inacceptable» qui prévaut dans l'ancienne colonie espagnole. Le député portugais avait été activement soutenu dans son projet de motion par les républicains catalans représentés par l'activiste pro-sahraoui Raúl Romeva qui est derrière toutes les initiatives parlementaires européennes dénonçant les violations des droits de l'homme et le pillage des richesses naturelles au Sahara occidental. Malgré les manœuvres des socialistes Le Parlement européen a, par conséquent, décidé d'inscrire cette question dans son ordre du jour, sans attendre, refusant ainsi de suivre le leader des socialistes, Martin Schultz, qui demandait à ses collègues d'attendre que les ministres des Affaires étrangères écoutent d'abord la version des faits que leur présentera leur homologue marocain, Fassi Fihri, le 13 décembre à Bruxelles, où doit se tenir la réunion ordinaire du groupe d'association UE-Maroc. Les eurodéputés prévoient d'adopter une résolution réclamant, à ce propos, l'ouverture d'une enquête internationale indépendante. Une forte tendance se dessinait, hier à Strasbourg, en faveur d'une «ferme condamnation» par les 27 du comportement brutal des autorités marocaines et d'une rupture avec la passivité que certains gouvernements, dont ceux de l'Espagne et de la France, ont observée jusque-là. La «passivité» de la Minurso L'envoyé spécial d'El Pais à Al Ayoune, le seul organe de presse espagnol avec El Mundo à avoir été autorisé à entrer au Sahara occidental, a rapporté hier que les autorités officielles marocaines avaient informé la Minurso, trois jours auparavant de la prise d'assaut imminente de ce camp de toile, le 8 novembre, mais que cette institution des Nations unies s'était abstenue de se rendre sur place au moment de la tragédie. Le principal conseiller politique du chef de la Minurso, Alexandre Ivanco, a déclaré, à ce propos, que «les Marocains ne nous avaient pas informés officiellement de cette décision», bien que, a-t-il admis, «nous avions des indications attestant de la préparation de la prise d'assaut du camp». La force de l'ONU n'est pas non plus intervenue lorsque les forces marocaines avaient chargé avec une rare brutalité les manifestants dans les rues d'Al Ayoune. El Mundo annonce que son envoyée spéciale a fait l'objet depuis son arrivée à Al Ayoune d'un harcèlement quotidien par la police marocaine qui voulait l'empêcher d'enquêter sur les disparitions des indépendantistes depuis le 8 novembre, avant de se voir signifier, mardi, par l'administration d'occupation, «la fin de sa mission». La journaliste avait écrit dans son reportage de mardi que l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH), «l'organisation civile la plus crédible au Maroc», avait reconnu, au terme de l'enquête qu'elle avait effectuée le 12 novembre à Al Ayoune, que «contrairement aux accusations portées contre l'Algérie par la presse marocaine, aucun indice n'existe sur la prétendue implication des services de renseignements algériens dans ces événements». Le recueil de ce témoignage ne lui sera pas pardonné. Le PSOE désavoué par ses miliatants En Espagne, les actes de protestation contre la «passivité» du gouvernement espagnol se multiplient à travers toutes les villes d'Espagne. Des centaines de personnes se sont concentrées, mardi à Valence, devant le siège du consulat du Maroc où un impressionnant dispositif de sécurité avait été mis en place. Les manifestants ont brûlé les portraits du roi Mohammed VI et le drapeau marocain, tout en scandant des slogans hostiles au Maroc et au gouvernement Zapatero. Lundi, ces mêmes groupes de manifestants avaient été délogés par la force du siège de régional du Parti socialiste de Valence qu'ils avaient occupé pour la cinquième fois depuis le 8 novembre. Parmi les manifestants, il y avait un majorité de militants socialistes de base, partisans de la cause sahraouie. Même le gouvernement socialiste basque semble avoir décidé quelque part de décidé de prendre ses distances par rapport la position de «prudence» adoptée jusque-là par Zapatero au nom des socialistes. Le gouvernement présidé par Patxi López a réclamé l'ouverture d'une «enquête internationale indépendante» sur ce qui s'est passé depuis le 8 novembre et invité, hier, une délégation du Front Polisario, conduite par la représentante du mouvement sahraoui à Vittoria, Mme Fatima Mohamed Salem, à venir témoigner sur la violence au Sahara occidental. La délégation du Front Polisario s'est rendue, hier, au siège du gouvernement basque, à un moment où la tendance au sein du PSOE est à la contestation de la position de Zapatero. La «fronde» de la base socialiste Malgré la fronde déclarée de la base de son parti, à la veille des élections régionales en Catalogne où les socialistes sont assurés de perdre le pouvoir dimanche, le porte-parole du PSOE au congrès des députés, José Antonio Alonso, persiste et signe : «Il n'existe pas d'éléments nouveaux justifiant le passage du président Zapatero devant le Parlement national pour exposer la position de son gouvernement sur ce qui s'est passé à Al Ayoune», comme pour faire un pied de nez, non seulement à l'ensemble de la classe politique, mais à la base même du PSOE qui réclame plus de fermeté envers le régime marocain.