Aura lieu, aura pas lieu. Il s'agit du débat sur la question du Sahara-Occidental prévu aujourd'hui au Parlement européen à Bruxelles. Mais le débat en question qui devait réunir les ambassadeurs du Maroc et d'Algérie, ainsi que le représentant du Front Polisario en Europe, a eu lieu d'une certaine manière, avec une épreuve de force perdue par le Maroc. Après avoir donné son accord préalable et accepté les conditions de ce débat qui devait se tenir au sein de la délégation pour le Maghreb, le Royaume chérifien a voulu élargir le tour de table pour y intégrer des Sahraouis ou présentés comme tels et qui ont la particularité de défendre la politique marocaine, contrairement aux résolutions internationales qui ne reconnaissent d'autres parties au conflit que le Maroc et le Front Polisario. Une espèce de troisième force comme cette troisième voie pour une reconnaissance du fait accompli colonial. Il s'agit du Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (Corcas), non reconnu au plan international. Et c'est pour cette raison que Rabat croyait pouvoir lui procurer une tribune, celle du Parlement européen, sauf que la manœuvre s'est avérée vaine puisque cette institution a opposé au Maroc une fin de non-recevoir. « C'est vous ou personne d'autre ! » Telle est la réponse des eurodéputés qui refusent de reconnaître d'autres interlocuteurs que ceux qui figurent sur les annales internationales. Le Maroc a donc tenté de fausser cette rencontre en demandant un changement dans le programme, après que les participants, les parties au conflit, le Maroc et le Polisario, l'Algérie en sa qualité d'observateur et un représentant de l'ONU, eurent convenu du programme de la conférence, selon des participants. Et à quelques heures de l'horaire prévu, rien n'indique qu'elle puisse avoir lieu. L'ambassadeur du Maroc, Menouar Alem, qui a donné son accord pour participer à cette rencontre inédite, a demandé à sa présidente, l'Espagnole Luisa Fernanda Rudi Ubeda, d'accepter le changement souhaité par Rabat. L'écrasante majorité des participants à cette rencontre qui vise à clarifier les enjeux du conflit sahraoui pour les eurodéputés sont acquis à la légalité internationale et à une solution dans le cadre des résolutions pertinentes de l'ONU, selon des participants. Récemment, le président du Parlement européen a réitéré son appui, comme le stipulent les résolutions de l'assemblée qu'il préside, pour une solution dans le cadre du plan de règlement et des résolutions de l'ONU. La promotion d'un projet d'autonomie, « qui ne vise rien d'autre qu'à entériner l'annexion du Sahara- Occidental, a peu de chance de trouver un écho favorable dans cette enceinte, à en juger par les positions connues de la majorité des participants », note-t-on. D'autant plus que le débat s'est déplacé en Espagne avec la tonalité et la sévérité que l'on connaît depuis près d'une semaine. Pour ainsi dire, le Premier ministre espagnol, partisan comme il le dit d'une solution politique, a été rectifié par son roi et les députés de son propre parti qui ont voté massivement pour l'autodétermination du peuple espagnol. Ce dont a pris acte M. Zapatero qui s'est prononcé contre les actions unilatérales. Un tel changement traverse bien entendu les Pyrénées pour s'introduire dans les enceintes européennes en supposant que celles-ci soient mal informées. Ce qui n'est nullement le cas, puisque le PE se prononce en faveur du plan Baker, stipulant clairement l'exercice par le peuple sahraoui de son droit à l'autodétermination. Ou encore des témoignages de première main car obtenus par les institutions européennes, même si Rabat a refusé d'autoriser la délégation ad hoc pour le Sahara-Occidental de se rendre dans les territoires sahraouis occupés pour s'enquérir de la détérioration de la situation des droits de l'homme et la répression dont sont victimes les militants sahraouis, pour en informer les eurodéputés. Cette délégation s'est déjà rendue dans la région (Maroc, les camps de réfugiés sahraouis) et continue, avec l'appui des autorités du Parlement européen, de demander avec insistance à effectuer une mission d'information au Sahara occupé, malgré le refus initial du Maroc. A vrai dire, les éléments d'information ne manquent pas. Le PE a tout ce qu'il faut. Le débat prévu aujourd'hui vient, quant à lui, de dévoiler certaines vérités. D'autres vérités.