Les affrontements de mardi, qui ont opposé les forces de sécurité à des jeunes de la cité El Afia à Kouba, dans la wilaya d'Alger, se sont soldés par l'arrestation de 8 individus qui seront présentés aujourd'hui devant le procureur de la République près le tribunal de Hussein Dey. Plusieurs policiers ont été blessés, dont 2 grièvement. L'un a été blessé à l'œil et doit subir une intervention, l'autre risque de perdre l'usage de l'une de ses jambes en raison d'une fracture au bassin. Du côté des manifestants, plusieurs personnes ont été blessées au même titre que des journalistes présents sur les lieux durant les affrontements. Par ailleurs, on dénombre l'endommagement de plusieurs véhicules par les jets de pierres. Depuis mardi, les familles victimes de la démolition à l'origine de l'élan de solidarité de la population ont passé la nuit dans les décombres où elles ont dressé des abris de fortune au moyen de bâches et autres matériaux. Dès les premières heures de la matinée d'hier, une délégation composant un comité a été reçue par la présidente d'APC de Kouba, qui était accompagnée de responsables des autorités civiles. L'objet, indique une source proche de la maire, est de «tenter de calmer les esprits et trouver une solution aux familles dont les habitations ont été démolies dans le cadre des opérations d'éradication des bidonvilles et dont la décision a été émise par le wali. A propos des familles, dont certaines ont le statut de femme et filles de chahid, la source affirme que «les autorités communales s'efforcent de les reloger au vu des conditions déplorables qui les ont conduites à la construction des baraques, plus précisément une famille composée de 6 filles». Sur les lieux, la tension est visible. La plupart des commerces au sein du marché d'El Afia sont fermés, des groupes épars s'adonnent à des conciliabules. Les brigades de la recherche et d'investigation (BRI) sont sur le qui-vive, en plus de la présence des camions des brigades anti-émeute. Côté citoyens, les choses sont interprétées différemment. Les uns jurent de réagir en usant de la force «si les 8 personnes arrêtées ne sont pas relâchées», tandis que d'autres, pour la plupart des adolescents, «sont résolus à faire face aux autorités si celles-ci reviennent pour démolir d'autres baraques». Selon les propos de quelques jeunes rencontrés hier sur les lieux, «certaines infrastructures comme celle de l'APC (annexe d'administration située à quelques mètres des lieux où étaient construites les baraques démolies) et autres commissariats seront ciblés». C'est dire que selon ces jeunes, dont le malaise social est perceptible au ton violent employé en évoquant les démolitions, la tension monte et l'appréhension est de mise. Selon certaines rumeurs, que les autorités de la commune n'ont pas démenties, «d'autres baraques seront également démolies incessamment» sur ordre de la wilaya. Cette rumeur persistante exacerbe la tension au sein de la population, plus particulièrement au sein des jeunes manifestants. Pour l'heure, la présidente d'APC de Kouba, que nous avons tenté de rencontrer pour connaître le traitement qu'elle réservera à ce problème, a refusé de nous recevoir, arguant la réunion avec le comité de quartier et les services de sécurité. Toutefois, cette dernière promet, par le biais d'un élu, de nous informer sur «les suites à donner aux revendications des victimes de démolition et sur le programme qu'elle est tenue d'appliquer en direction des habitations précaires implantées dans sa commune». Une apparence d'apaisement Notre source a affirmé que 23 policiers blessés, dont deux grièvement lors des affrontements d' El Afia, ont été amenés à la clinique des Glycines. Elle a tenu à rappeler les faits. Les policiers présents à Diar El Afia pour la démolition des baraques ont été reçus par des citoyens ayant bloqué la route et les ayant attaqués par des jets de pierre. Les policiers ont arrêté dix jeunes dont 4 mineurs. Ils seront présentés aujourd'hui devant le juge d'instruction du tribunal de Hussein Dey. Malgré l'apparence d'apaisement, les habitants de ce quartier populaire étaient hier sur le qui-vive en attendant la décision du tribunal sur le sort des personnes arrêtées. Il est à indiquer que c'est la première fois que les policiers ont fait usage de pistolet électrique (Taser) pour maîtriser certains manifestants qui n'ont pas hésité à agresser les éléments de la sûreté nationale. Selon la famille F. L., dont le taudis a été démoli, le wali délégué aurait ramené la force publique pour la démolition de leur habitation constituée d'une chambre, très tôt, mardi, alors qu'il n'y avait que 3 filles, leur jeune frère et leur mère, alors que le père se trouvait à son travail à Boumerdès. Selon l'une des filles, les éléments de la force publique sont entrés directement pour faire sortir les meubles avant de passer à la démolition. Une cousine présente aurait tenté de s'opposer. L'enfant ayant vu sa tante évanouie s'est opposé aux policiers qui étaient contraints de l'emmener au commissariat. Selon des jeunes des quartiers, les policiers l'auraient tabassé avant de l'embarquer, ce qui aurait poussé à la protestation et à l'émeute. Selon la famille F. L., la Pde/APC de Kouba l'aurait autoriser à construire sur les lieux après une décision de justice de délogement du domicile familial, il y a deux ans.