Naïma est née dans un bidonville, elle y passera dix-neuf ans, jusqu'à l'obtention d'un diplôme d'infirmière dans un hôpital de la banlieue. Un jour, un carambolage est signalé sur la voie rapide Zeralda-Dar El Beïda. Naïma se précipite sur les lieux, elle monte dans une ambulance où on placera Salah L., la cinquantaine, un beau gosse qui se plaint de fractures aux membres inférieures. Naïma prend sa tête sur son genou, il ouvre les yeux et voit ô comble de cauchemar ce beau visage de l'adolescente au corps d'une femme mère de famille. A l'hôpital, il lui prend la main et ne veut pas s'en séparer. «S'il te plaît, reste avec moi, ma femme vient de me quitter elle a pris les enfants. Je suis seul... Ne me laisse pas ici... S'il te plaît !» La gamine au corps de femme fixe le blessé. La pitié se lit sur son visage, elle ajuste son foulard qui fait office de hidjab et met sa main sur le front de Salah, ce dernier va sourire pour la première fois, elle restera dans l'ambulance le temps du trajet, puis à l'hôpital, le temps du plâtrage des membres touchés lors de l'accident de la route. La nuit tombe et Naïma s'excuse auprès du malade en promettant de revenir le lendemain matin très tôt en vue de s'enquérir de l'état du blessé. Le blessé s'endort comme un bébé. Au réveil, il est surpris par une paire d'yeux noirs soulignés de khol et au crayon noir. Quoique écœuré par les douleurs, il ressent un léger mieux. L'ado, sa présence et sa prestance aident Salah à se porter comme un bébé, sa face livide s'illumine d'un gros sourire. le courant passe entre ce couple insolite que trente ans séparent. Quelques jours plus tard, Salah sort de l'hôpital avec des béquilles, les retrouvailles avec ses frères et sœurs sont maussades. Son frère aîné a remarqué le changement du blessé qui avait, avant l'accident, informé la famille de sa rupture avec sa femme. Puis tout ira vite. Salah et Naïma s'unissent. La salle des fêtes résonne encore des youyous et de la musique. Neuf mois plus tard, ils sont devant le président de la section statut personnel du tribunal. Naïma a vu rouge, elle constitue un avocat pour demander le divorce par «kholâ» celui qu'elle appelait affectueusement «trésor» a.... rouillé, elle a demandé le divorce parce qu'elle l'a mis au pied du mur. «Tu choisis ! Tes enfants ou moi !» Et l'imbécile heureux de Salah de répondre sans réfléchir : «Mes enfants !» Et la dame de rétorquer par un rageur : «Puisque c'est ainsi, va-t-en chez eux. Je ne veux plus rien à voir avec toi. Demain matin tu passeras récupérer tes effets, car c'est fini, c'est terminé.» Salah avale de travers et accepte son sort, il accepte son sort si bien qu'entre-temps, il a perdu son emploi, plus de revenu, mais plus de problèmes à venir, plus de soucis avec la pension alimentaire qui pointe, et la pension, on la casque ou c'est la taule, car c'est prévu par la loi. Monsieur et madame qui ont roucoulé avaient fait un enfant. Et cet enfant n'a jamais demandé à venir au monde. Pour le frais divorcé, le temps est donc venu pour qu'il se remette à la recherche d'un boulot. Mais ce n'est pas l'affaire de la justice. Naïma, elle, a pris son bébé pour se réfugier chez une copine en attendant que Salah L. lui loue un toit. Mais avant, il faudra rebosser.