Le site WikiLeaks a publié une liste secrète de sites industriels et infrastructures sensibles à travers le monde que les Etats-Unis veulent protéger d'attaques terroristes, car leur perte, selon le département d'Etat, "affecterait de manière significative" la sécurité américaine. Un câble du département d'Etat datant de février 2009 demande aux représentations diplomatiques américaines de recenser les "infrastructures sensibles et ressources clés" à l'étranger "dont la perte affecterait de manière significative la santé publique, la sécurité économique et/ou la sécurité nationale des Etats-Unis". La mise à jour de cette liste visait à "prévenir, dissuader et neutraliser ou atténuer les effets d'actes terroristes visant à détruire, bloquer ou exploiter" ces infrastructures. Dans cette liste publiée dans la nuit de dimanche à lundi et qui couvre de nombreux pays, à l'exception des Etats-Unis, figurent des câbles sous-marins de télécommunications, des ports, des barrages, des oléoducs et gazoducs, des mines et des entreprises fabriquant notamment des produits pharmaceutiques importants pour la santé publique. Contenant des centaines de sites et infrastructures sensibles, la liste couvre tous les continents. Outre des infrastructures stratégiques, elle recense entre autres le canal de Panama, une mine de cobalt au Congo, d'autres mines en Afrique du Sud ou en Amérique latine ainsi que des entreprises pharmaceutiques produisant des vaccins au Danemark, en Italie, en Allemagne ou encore en Australie. Concernant la France, la liste cite plusieurs sites pharmaceutiques, industriels, et de télécommunication transatlantiques. Pour Malcolm Rifkind, ancien secrétaire d'Etat britannique à la Défense et aux Affaires étrangères, l'attitude de WikiLeaks est "irresponsable" dans la mesure où cette liste peut aider des groupes terroristes. "C'est une preuve de plus qu'ils (WikiLeaks) ont un comportement irresponsable, presque criminel. C'est le genre d'informations qui intéressent les terroristes", a-t-il déclaré à la presse britannique. "Obama doit partir" Le président américain Barack Obama devrait démissionner s'il a approuvé que des diplomates américains espionnent des fonctionnaires de l'ONU, a estimé le fondateur de WikiLeaks dans une interview publiée hier par le quotidien espagnol El Pais. "L'ensemble de la chaîne de commandement qui était au courant de cet ordre et l'a approuvé doit démissionner afin que les Etats-Unis puissent être considérés comme une nation crédible. L'ordre est a ce point important qu'il a bien pu être soumis à l'approbation du président", a déclaré Julian Assange. "Obama doit dire ce qu'il sait a propos de cet ordre illégal. S'il refuse de répondre ou s'il existe une preuve qu'il a approuvé cette action, il doit démissionner", a-t-il ajouté dans une interview en ligne sur le site internet d'El Pais. Selon les notes diffusées par WikiLeaks, le département d'Etat américain a demandé à ses diplomates de récolter des informations sur des fonctionnaires de l'ONU. Les autorités américaines ont réclamé aussi des numéros de carte bancaire, adresses électroniques, numéros de téléphone et même numéros de carte de fidélité auprès de compagnies aériennes de certains fonctionnaires de l'ONU. Julian Assange, 39 ans, a donné l'interview à El Pais samedi depuis un endroit qui n'a pas été précisé. Il est devenu l'ennemi public numéro 1 de plusieurs pays avec la publication, depuis une semaine par WikiLeaks, de notes diplomatiques américaines secrètes. « Une manipulation » La divulgation par le site internet WikiLeaks de télégrammes diplomatiques confidentiels américains n'est pas une source d'embarras pour les Etats-Unis, comme beaucoup le pensent, mais un complot délibéré pour améliorer leur image, a affirmé dimanche un haut responsable iranien. "Les documents de WikiLeaks sont une sorte de manipulation de l'opinion publique pour redresser la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les Etats-Unis aux yeux des nations du monde", a déclaré Mohammad Javad Larijani, secrétaire général du Haut Conseil iranien pour les droits de l'homme. Les fuites distillées, via le filtre de grands journaux mondiaux, par le site internet controversé de centaines de milliers de câbles censés être confidentiels, où les diplomates américains décrivent leurs interlocuteurs locaux sous des jours parfois peu flatteurs, a provoqué la colère de nombre d'alliés de Washington. Mais pour Larijani, cité la chaîne d'Etat iranienne anglophone Press TV, cette soi-disant atteinte au secret diplomatique relève en réalité d'un complot rusé. "Ils ont diffusé les documents pour réduire la pression exercée sur eux par l'opinion publique mondiale." "Il y a des chances qu'environ 10% des documents soient authentiques (...) mais même ceux-ci n'ont qu'une valeur ordinaire et ne contiennent rien d'inhabituel." Il a fait état de documents visant à montrer que les forces américaines en Irak ne sont pas impliquées elles-mêmes dans la torture. "Or nous savons que les Américains tuent eux-mêmes des Irakiens. Ils entrent chez des Irakiens innocents et les massacrent." L'Iran est le sujet de nombre des télégrammes obtenus par WikiLeaks, y compris des documents dans lesquels ses voisins arabes incitent Washington à user de la force pour stopper le programme nucléaire iranien soupçonné d'avoir des objectifs militaires. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad avait déjà évoqué cette théorie d'un complot de Washington, qui aurait fait fuir délibérément des documents sur l'inquiétude des Etats arabes face au programme nucléaire iranien. Or, selon lui, "les pays de la région sont tous amis les uns avec les autres. Pareille sottise n'aura aucun impact sur les relations de ces pays", a-t-il assuré lundi dernier à la presse. "Une partie du gouvernement américain a fabriqué ces documents. Nous ne pensons pas que ces informations aient fait l'objet d'une fuite. Nous pensons que cela été organisé et qu'ils poursuivent des objectifs politiques", a-t-il ajouté. Une partie des quelque 250.000 documents confidentiels divulgués révèlent que le roi Abdallah d'Arabie a demandé aux plus hauts responsables américains au Moyen-Orient d'attaquer les installations nucléaires iraniennes afin de "trancher la tête du serpent" iranien pendant qu'il encore temps. Bahreïn aurait également exhorté les Etats-Unis à agir afin de stopper le programme nucléaire de Téhéran "par tous les moyens nécessaires", selon un message attribué à l'ambassade des Etats-Unis à Manama. "Cela confirme que les Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG) sont tous plus unis sur le front anti-iranien que ce qui l'on croyait auparavant", estime Theodore Karasik, analyste basé à Dubaï, prenant le contre-pied des propos lénifiants d'Ahmadinejad sur la bonne entente de l'Iran avec ses voisins.