Nichée sur les cimes du majestueux Ouarsenis, à l'extrême sud-ouest de la wilaya de Aïn Defla, la daïra de Bathia, composée de trois communes, El Hassania, Belaas et le chef-lieu de daïra, est telle une vache qui voit le train passer, elle souffre dans le calme et la dignité en attendant que le vent du développement souffle dans sa direction. Ayant souffert du terrorisme durant la décennie noire, enduré lors des années de sécheresse, supporté la marginalisation et l'exclusion, elle souffre aujourd'hui du chômage et de son éloignement. Cette région déshéritée reprend vie lentement grâce aux efforts de l'état. Seulement, cet éloignement devenu un handicap ne lui permet pas de suivre la cadence du développement qui s'effectue à travers les autres communes de la wilaya, un ralentissement qui retarde ses programmes. A El Hassania l'oisiveté tue La population de cette commune autrefois prospère n'a pas manqué d'étaler tous ses problèmes à Defouf Hdjiri, wali de Aïn Defla qui a tenu à effectuer sa première sortie dans cette région marginalisée. Cette population souffre du manque crucial d'eau potable. «Nous ne recevons ce précieux liquide qu'une fois tous les 22 jours», affirme un citoyen en signalant qu'il leur arrive parfois d'attendre jusqu'à 40 jours pour que les robinets commencent à couler en… larmes. Le directeur de l'hydraulique expliquera au wali que la réalisation d'un petit barrage au niveau de l'oued Lyra sera lancée en 2011. Le problème de la santé est aussi grave que celui de l'eau potable puisque la localité dispose d'une clinique malheureusement pas suffisamment équipée pour prodiguer les soins nécessaires. Les citoyens réclament une salle d'accouchement du fait de l'éloignement d'El Hassania des hôpitaux de Aïn Defla et El Attaf. Ils signalent aussi la mauvaise utilisation de l'ambulance de la commune qui n'a pas de chauffeur permanent. «L'ambulance met toute une nuit pour évacuer un malade d'ici à Aïn Defla. En cas d'intoxication collective ou autre, les patients devront prier car trouver un transport une fois la nuit tombée relève du miracle», ajoute un citoyen en faisant remarquer qu'un clandestin exige pas moins de 1500 DA pour un tel trajet et que faute de pharmacie, l'ordonnance prescrite par le médecin devient inutile car il faut dépenser au moins 200 DA supplémentaires pour acheter les médicaments. Dans cette localité de l'Ouarsenis, la jeunesse faute d'emploi s'exile vers les agglomérations de la plaine. Les diplômés et ils sont nombreux, préfèrent les grandes villes telles qu'Alger, Blida, Chlef ou carrément le sud du pays. «La commune n'offre aucun emploi, même les enseignants viennent des autres communes de la wilaya», informe un citoyen en signalant que des diplômés universitaires, faute de travail et d'activité rémunérée, gardent les bêtes pour tuer le temps. Ces citoyens restent reconnaissants envers les efforts de l'état en matière de développement rural mais considèrent ces aides insuffisantes par rapport aux besoins de la commune. «Nous avons obtenu des aides pour le logement rural, des bêtes et du matériel mais nous manquons de projets productifs générant des emplois stables», dit un jeune investisseur. «On meurt à petit feu», résume un autre citoyen. Un amas de ruines Le 2 mai 1995, le chef-lieu de cette commune sise à 78 kilomètres de Aïn Defla n'était qu'un amas de ruines. Le CEM en préfabriqué ressemblait à une forêt incendiée. Aucune bâtisse n'a résisté à la haine des terroristes. Aujourd'hui, le climat aidant, cette localité aux constructions modernes atteste des efforts consentis par l'état en matière de développement. La population, certes victime d'un chômage inquiétant, accepte son sort dans l'espoir de jours meilleurs. «Qui aurait pensé qu'un jour, nous aurions un siège de daïra, un commissariat de police, un lycée et une polyclinique et des rues asphaltées», dit Hadj Lakhdar, un ancien patriote. A Bathia le chômage est ressenti comme un fléau surtout que les produits alimentaires de première nécessité sont plus chers qu'à travers les autres communes de la wilaya. Le sucre est à 120 dA le kilo, le lait à 30 DA le sachet, le lait en poudre à 270 le paquet, le pain à 10 DA la baguette et le gaz butane à 230 DA la bonbonne. Les habitants se plaignent de l'absence de contrôle au niveau de cette localité. Lors de sa première visite, le wali a exigé l'ouverture du lycée à la rentrée des vacances d'hiver. «On est en train de provoquer la population en laissant ce chef-d'œuvre fermé», lance-t-il à l'adresse du directeur de l'éducation. A Belaas, de la limonade pour le déjeuner Dans la plus pauvre et la moins peuplée commune d'Algérie, le constat est amer. Les rues, faute de bitume, avaient été recouvertes la veille d'une épaisse couche de gravier. Le centre de santé manque de tout sauf de personnel. Le transport est rare et cher. Les produits alimentaires sont aussi chers qu'à Bathia et El Hassania. Mais le secteur de l'éducation est le plus touché par la négligence des responsables locaux. Le CEM qui a fait l'objet de la visite du wali, est certes équipé de climatiseurs, mais ces derniers sont en panne depuis leur installation, témoigne un élève. Les élèves se plaignent du manque de manuels scolaires, de l'absence d'équipement du laboratoire, du transport scolaire insuffisant pour les élèves du douar Kharfia et surtout de la restauration pour les demi-pensionnaires. «Avant ce lundi, nous prenions de la limonade et du pain au déjeuner», déclarent plusieurs demi-pensionnaires en s'étonnant d'avoir un repas chaud avec de la viande, des fruits et de la limonade le jour de la visite du wali. Ce dernier a sommé les responsables de cet établissement à bien traiter les élèves. Le retour des populations exilées n'est pas pour demain A tous ces problèmes, s'ajoute celui de l'insécurité dans les zones éloignées. De nombreux douars sont encore vides. Leurs populations vivant dans des conditions déplorables au niveau des grandes agglomérations, ne sont pas prêtes pour le retour malgré les aides de l'Etat en leur direction. «Les terroristes activent dans les montagnes et ils sont nombreux», affirme un Gld en signalant que de nombreuses plaintes pour vol de bétail ont été déposées au niveau des brigades de la Gendarmerie nationale. «Les terroristes accaparent tout, des produits alimentaires, des couvertures, des habits et du bétail. Ils ont pris des soupes chez des pauvres malheureux les laissant sur leur faim», ajoute ce GLd. Par ailleurs, certains citoyens ont cette hargne de retourner sur leurs terres mais demandent à être armés. «J'aimerai bien édifier une maison dans le cadre du programme de l'habitat rural, planter des oliviers, des amandiers et profiter de la richesse de mes terres mais il me faut une arme pour défendre mes biens», dit un fellah.