Selma Bedri, la juge d'El Harrach, allait oublier que le père victime de coups et blessures volontaires de la part de son rejeton avait un statut particulier, car on n'a pas idée à éduquer son fils sur la base d'une remise quotidienne de trois cents dinars et que le jour où le géniteur avait signifié à son enfant son refus de continuer à casquer du fric, le gosse s'était rebellé jusqu'à expédier deux poings à la figure et des coups de pied donnés à l'aveuglette. Certes, Rachid M. S. a demandé pardon au papa, à Allah et à la justice, mais la présidente demeure de glace, décidée à appliquer la loi dans toute sa rigueur avec un brin de «circonstances atténuantes» pour le mea culpa et le flot d'excuses déversé à la barre, juste pour se tirer d'affaire... Lorsque le papa victime de coups et blessures après les menaces lancées à son encontre par le fils Rachid M., la vingtaine, s'avança vers la barre, il n'avait même pas eu le temps de se mettre à sa place de victime. L'inculpé risquait une lourde peine de prison ferme pour coups sur ascendant (fait prévu par l'article 267 du code pénal). Le géniteur passera un bon bout de temps d'une série de directs et d'uppercuts en plein cerveau, car l'éducation donnée à ce garnement qui n'y était pas allé de main morte relevait strictement de la position du papa victime que la magistrate avait plaint du fait d'abord de la lecture «difficile» du certificat médical prescrivant un arrêt de travail au sexagénaire de 35 jours et ensuite par le flot de mots tristes déversés par El Hadj qui avait supporté les lourds termes de ce qu'il avait raconté à propos du comportement hideux, condamnable du fils... «gâté» et sur lequel nous reviendrons. «Il est entré dimanche soir, il était furieux du fait que le matin j'avais refusé, comme la veille, de lui remettre les trois cents dinars que j'avais pris l'habitude de lui donner pour la journée. Il était si furieux que lorsque je lui avais fait la remarque de cette entrée tardive à la maison, il m'a d'abord craché dessus avant de me balancer deux coups de poings : le premier à la tempe gauche et le second en pleine poitrine, à telle enseigne que j'ai vu rouge et j'ai vacillé, car je ne voulais pas tomber et je...» - «ça suffit Hadj, le tribunal a compris même si nous ne cautionnons pas cette histoire de trois cents dinars par jour sans contrepartie», dit Bedri plutôt calme. Elle invite le détenu à dire ce qu'il avait raconté au début du procès, en l'occurrence le ressentiment envers le papa qui a supprimé le cadeau quotidien des trois cents dinars comme argent de poche. Le juge avait regardé Nadia Belkacem, la procureure, qui avait requis le maximum de la peine prévue par la loi, comme pour lui souffler son total accord et donc le verdict ne peut être qu'une punition à «tuer» aux «quatre ha» avec ceci de particulier : le gosse, auteur d'agression sur le papa, risque de passer un mauvais séjour, car certains détenus condamnés à de lourdes peines ont horreur des «tapeurs de parents».