L'enquête entamée au lendemain de l'arrestation de 107 candidats à l'émigration clandestine qui tentaient de rejoindre l'Espagne à partir des plages de la corniche oranaise a abouti à l'identification et l'interpellation du passeur, un marin pêcheur habitant la localité de Corales. Les révélations faites par les harraga interceptés renseignent sur l'organisation du trafic pris en main par des réseaux qui sont bien organisés et qui se permettent même le luxe d'organiser des voyages à la carte selon le prix déboursé par chaque groupe. Ainsi, le passeur, interpellé par les gendarmes, proposait un éventail de prestations à sa clientèle, qui s'est réduite en peau de chagrin depuis les dernières mesures légales prises par les pouvoirs publics qui criminalisent l'émigration clandestine. D'après certains témoignages, le marin pêcheur exigeait une somme allant de 60 à 80 000 dinars à chaque passager. Ces écarts s'expliquent par la qualité de la prestation qu'il offrait, (confort, sécurité et une garantie pour débarquer sur la rive nord). Mais à voir de plus près, ces chiffres sont loin des prix qui avaient cours il y a à peine quelques mois. Un débarquement assuré sur la rive nord nécessitait pour chaque candidat une somme allant de 100 à 140 000 dinars. Bien sûr, ce prix couvrait l'embarcation et, cerise sur le gâteau, une traversée guidée par des GPS qui facilitaient alors la navigation. Ces réseaux avaient une organisation parfaite qui leur permettait d'acquérir, en Espagne, des appareils de guidage via le satellite et de les étalonner en tenant compte des données de navigation qui assurent une traversée sûre. Ils avaient accès aux données météo via les sites internet spécialisés, et s'offraient les services de marins très au fait des couloirs de navigation et des mouvements des courants marins entre autres. Actuellement, depuis qu'un tour de vis est venu durcir les mesures prises à l'encontre des harraga, le chiffre d'affaires des réseaux a chuté. Un ancien harraga très au fait du phénomène dira : «Actuellement, la rebaja (réduction, solde) que connaissent les prix de la traversée est due à plusieurs facteurs. L'Espagne, au même titre que l'Irlande, l'Islande ou la Grèce, connaît une crise économique qui fait que les clandestins n'ont plus d'opportunité de travail une fois arrivés. C'est ce qui explique pourquoi les jeunes de la région ne sont plus attirés par cette destination». Il précisera par ailleurs que l'activité est également depuis quelques mois sous haute surveillance des services des garde-côtes. «Une vedette patrouille quotidiennement au large des Iles Planes et le moindre mouvement suspect en mer est automatiquement décelé. Les harraga qui profitaient de la traversée de nuit ne peuvent plus bénéficier de cet avantage puisque les garde-côtes ont pris également l'habitude de balayer la zone tampon des eaux territoriales, la nuit tombée», dira-t-il. De plus, la baisse des prix ne semble que conjoncturelle, avec le redoux et l'été, les prix avaient l'habitude de flamber. Je ne sais pas comment ce sera cette année.»