De plus en plus seul au monde, Hosni Moubarak ne veut écouter personne. Ni le docteur El Baradeï qui lui conseille de partir sans attendre ni Amr Moussa qui parle de changement inéluctable. Le raïs pourrait bien ne pas écouter ces deux-là du fait qu'ils sont des candidats potentiels à sa succession. Mais voilà qu'il s'entête également à entendre le cheikh d'El Azhar, Youssef El Karadhaoui, qui s'est borné à lui préconiser de faire ses valises, évitant d'évoquer le jugement dernier et les 102 morts, tués par balles réelles sur ordre de Moubarak en personne. Enfin, il faut bien qu'il tende l'oreille vers quelqu'un ? Vers le colonel El Kadhafi qui a démenti avoir offert refuge dans un palais de la Jamahiriya à Ben Ali ? Sinon, au roi des Saouds qui pourrait lui dénicher une belle demeure attenante à celle de l'ex-président tunisien ? Si, évidemment, Interpol ne vient pas le tirer de son lit. Pour l'instant, Hosni Moubarak, qui voit son songe monarchique s'envoler et le legs du pouvoir à son fils anéanti, s'accroche à son pouvoir au Caire où il croit faire oublier trente ans de règne sans partage en changeant juste quelques têtes. Pas du tout suffisant au regard des Egyptiens qui ne veulent pas moins que son départ immédiat. Plus obstinant que l'Ivoirien Laurent Gbagbo, le vieux Moubarak joue-t-il la montre, avec l'espoir d'une démobilisation prochaine ? D'autant que les révoltés doivent être à présent au four et au moulin. Tantôt sur la place de la Libération, tantôt parmi les comités de vigilance qui doivent veiller à la sécurité des personnes et des biens contre des bandes organisées de pilleurs ? Après tant de martyrs, les Egyptiens ne sont pas prêts à se laisser voler leur révolution. Ce qui doit agacer les Occidentaux qui ne savent plus vraiment par où tenir le bâton. Perdre un allié stratégique comme Hosni Moubarak porterait préjudice à leurs intérêts géopolitiques dans la région. L'homme a été de toutes les batailles et de toutes les négociations de paix. Au point qu'il soit irremplaçable alors que tout le monde est d'accord pour dire que l'armée est en train de préparer une sortie plus ou moins honorable pour le raïs ? Nul n'est indispensable, comme dirait l'autre. S'il s'agit juste d'être parrain régional dans le processus de paix palestino-israélien, Omar Mohamed Souleimane, le nouveau vice-président, fera l'affaire. Il est même l'homme idéal pour conduire cette mission, le patron du renseignement égyptien entretient d'excellentes relations avec l'ensemble des protagonistes, les Israéliens placent en lui une confiance presque aveugle. Si départ de Moubarak il y aura, le bloc occidental tranchera-t-il définitivement en faveur de Omar Souleimane si celui-ci ne vient pas à changer une politique qui rapporte chaque année à l'Egypte l'équivalent de 2,8 milliards de dollars ? Que le raïs parte ou reste, le prochain gouvernement du Caire devra peser la menace d'Obama quant à revoir à la baisse le soutien financier US. Ecourtant sa visite aux Etats-Unis, le numéro 1 de l'armée égyptienne, le général Sami Anan, sait exactement de quoi il retourne. C'est dire que si le président Moubarak venait à marcher sur les traces de Ben Ali, la paix au Proche-Orient ne serait pas si affectée. Parce que la paix est encore possible avec ou sans le raïs ? Aux dernières nouvelles, en août prochain, Abou Mazen et ses négociateurs vont demander à l'Onu de reconnaître l'Etat de Palestine. Pourvu que la chaîne Al Jazeera ne couvre pas l'événement.