Alors que la quasi-totalité de la classe politique «exige» la levée de l'état d'urgence qui assurerait plus de libertés démocratiques, une marche étant prévue pour le 12 février, dont un des mots d'ordre est la levée de cette mesure en vigueur depuis 19 ans, le président de la République a décidé lors du Conseil des ministres tenu jeudi de mettre fin à «cette polémique infondée» et de lever l'état d'urgence «dans un très proche avenir». «Pour mettre un terme à toute polémique infondée sur cette question, je charge le gouvernement de s'atteler, sans délais, à l'élaboration de textes appropriés qui permettront à l'Etat de poursuivre la lutte antiterroriste jusqu'à son aboutissement, avec la même efficacité et toujours dans le cadre de la loi», a affirmé le chef de l'Etat lors de son intervention devant les ministres pour répondre «aux commentaires, analyses ou mêmes revendications de nature politique, apparus ces derniers temps», relevés par tout un chacun. La levée de l'état d'urgence «dans un proche avenir» suppose donc de nouveaux textes à venir permettant la poursuite de la lutte antiterroriste sans pour autant «entraver» les libertés politiques syndicales ou autres. Soulignant que «nul ne peut contester le respect et la protection des droits civiques et politiques, ainsi que des libertés fondamentales dans notre pays», comme en témoigne, la pluralité des obédiences de nos nombreux partis politiques, la diversité et la vitalité de la presse nationale…», le président de la République a estimé que l'état d'urgence «n'a, à aucun moment, entravé une activité politique pluraliste des plus riches, ni contrarié le déroulement de campagnes électorales intenses, de l'avis même des observateurs qui les ont suivies». Son maintien a été instauré pour les seuls besoins de la lutte antiterroriste, «et c'est cette raison uniquement qui en a dicté son maintien sur une base légale», rappelle M. Bouteflika. Pas de marches dans la capitale S'agissant de l'organisation des marches, le président de la République rappelle qu'«hormis la wilaya d'Alger, rien ne l'entrave dans toutes les autres wilayas, pour autant que les demandes et les conditions exigées par la loi soient réunies». Rappelant que la capitale fait exception dans ce domaine «pour des raisons d'ordre public bien connues, et certainement pas pour y empêcher une quelconque expression», le chef de l'Etat note qu'«au demeurant, Alger compte plusieurs salles publiques de capacités diverses, qui sont gracieusement disponibles pour tout parti ou association en faisant légalement la demande, en vue d'y faire entendre son point de vue». Dans le même registre et pour répondre au besoin d'ouverture demandé par la classe politique et le monde associatif, le chef de l'Etat a demandé à la télévision et aux radios nationales d'assurer la couverture des activités des partis agréés. «La télévision et la radio doivent donc assurer la couverture des activités de l'ensemble des partis et organisations nationales agréés, et leur ouvrir équitablement leurs canaux», déclare Bouteflika, tout en réaffirmant qu'«aucune loi ou instruction ne l'ont jamais interdit (l'accès à ces canaux, ndlr) à quelque formation ou association légale que ce soit». Les partis de l'opposition notamment ont de tout temps dénoncé un parti pris de ces médias. Toutefois, pour le Président, qui exhorte les partis politiques et les organisations nationales agréés à tenir notamment compte des dispositions de la Constitution et des lois relatives aux activités politiques, «la liberté ne devra pas aboutir dans quelque circonstance que ce soit aux dérapages ou à l'anarchie auxquels l'Algérie a déjà versé un lourd tribut». Manifestations de janvier : «Des dépassements regrettables» Les derniers évènements qu'a connus le pays sont «regrettables», estime le chef de l'Etat. Tout en s'inclinant à la mémoire des victimes des récents troubles et en saluant le professionnalisme des personnels de la Gendarmerie nationale et de la police qui n'ont ménagé aucun effort ou sacrifice pour sauvegarder les biens et maintenir l'ordre public dans le strict respect de la loi, le Président relève que «des violences et des atteintes aux biens ont dans certains cas accompagné les manifestations survenues», déclarant que «de tels actes sont condamnables et regrettables». Aucune revendication ne saurait, selon lui, autoriser l'atteinte aux personnes et aux biens. «Ces dépassements sont regrettables», dit-il, reconnaissant que «les récentes manifestations sont, sans aucun doute, l'expression d'inquiétudes et d'impatiences chez nos compatriotes». «Il est donc de notre devoir d'en tenir compte et d'y répondre par des efforts accrus», a indiqué le premier magistrat du pays. Malgré les mesures annoncées, les initiateurs de la marche du 12 février campent sur leurs positions car pour eux «la levée de l'état d'urgence n'est pas une fin en soi».