Quelques centaines de manifestants, d'autres opposants à la marche et une dizaine de militants du FIS dissous étaient présents, hier, à la marche du 1er mai où le dispositif de police a prouvé son efficacité, obligeant les contestataires à se scinder en petits groupes, les empêchant d'occuper les lieux. Une tentative de marche caractérisée par une absence de Saïd Saadi qui se trouvait en France. Sa venue, annoncée sur place par un député RCD, n'a pas eu lieu. Un impressionnant dispositif sécuritaire a été installé à la place du 1er mai et alentours, hier, dès le début de la matinée, en prévision de la marche à laquelle a appelé la coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD). Les policiers, dont des éléments de brigades anti-émeutes, occupaient les lieux où était interdit tout attroupement. Seuls les piétons étaient autorisés à circuler dans les espaces qui leur sont réservés. Au vu de l'importance du dispositif, il était difficile de croire que des manifestants pouvaient accéder à ces lieux. Parmi eux des membres de la CNCD qui circulaient en attendant que les manifestants arrivent. Pourtant, un groupe de marcheurs était arrivé vers 10 h 25 à la rue Mohamed Belouizdad. «Marche pacifique», scandaient-ils. L'un des manifestants portait une pancarte sur laquelle on pouvait lire «Système corrompu». «Cause nationale, ô jeunes de la capitale», scandaient encore les manifestants, qui, de cette manière, voulaient signifier aux algérois, nombreux à refuser la marche, qu'il s'agit d'une «cause nationale», et que, par conséquent, «ils sont concernés à leur tour». «Le peuple veut la chute du pouvoir», et «Y en a marre de ce pouvoir» scandaient les manifestants. Vers 10h 34, des éléments des brigades anti-émeutes s'apprêtaient à intervenir pour stopper la marche menée par un groupe de manifestants qui ont été repoussés, avec, à leur tête, Me Bouchachi. Une personne s'est évanouie, elle est portée par Omar Abed, président du collectif des clients spoliés de Khalifa Bank et un sapeur- pompier. D'autres éléments de la protection civile arrivent et évacuent la personne évanouie. Vers 10 h 45, la rue Mohamed Belouizdad est rouverte par les policiers aux automobilistes, les manifestants étant dispersés. 10 h 55, un autre groupe investit la même rue. Il s'agit, cette fois, d'opposants à la marche. «A bas le RCD, vive Bouteflika», scandaient-ils. Les marcheurs ayant répondu favorablement à l'appel de la CNCD, estimés à quelques centaines, étaient scindés en plusieurs groupes, malgré eux, les policiers les ayant empêchés de se regrouper et d'occuper la place. Un groupe de personnes s'était formé devant la station d'essence sise à la rue Mohamed Belouizdad, autour de Mechaker Maârouf, blogueur. «Al Jazeera dit des vérités, mais qu'elle dise toutes les vérités. Les problèmes sociaux existent partout dans le monde, même aux Etats-Unis d'Amérique et en France. Je compte parmi un mouvement de 240 blogueurs qui appellent à ce que les dérapages de toutes sortes soient évités. Je suis de l'est, de Constantine et je dis qu'une personne de Tizi Ouzou est chez elle à Constantine et qu'une personne de Constantine est chez elle à Tizi Ouzou. Nous partageons des revendications au nom de laquelle la marche a été initiée mais nous voulons qu'on s'exprime dans le calme. Il ne faut pas que nous tombions dans le piège qui nous est tendu de l'étranger et j'invite nos frères tunisiens et égyptiens à ne pas tomber dans le même piège. Ils veulent diviser ces pays et les oulémas», dira-t-il. «J'ai récupéré un PA utilisé par un terroriste qui voulait kidnapper une fillette et, aujourd'hui, je suis marginalisé» Il n' y avait pas uniquement quelques centaines de manifestants venus à l'appel de la CNCD, ou d'opposants à la marche hier, mais également des citoyens ayant fait le déplacement pour tenter de se faire entendre. C'est le cas de Ahcène H., rencontré hier à la rue Mohamed Belouizdad. «J'ai empêché un terroriste muni d'un pistolet automatique de kidnapper une fillette de 15 ans, au parc zoologique de Ben Aknoun. Il la tenait et voulait disparaître avec elle. J'ai dû intervenir et pu récupérer l'arme utilisée par le terroriste. J'ai été blessé au cours de la confrontation», nous dira-t-il, nous montrant des blessures au niveau du corps. «Le terroriste a été arrêté et présenté au tribunal mais moi on ne m'a jamais convoqué, ni accordé le statut de victime du terrorisme. Même à l'ANSEJ, on a refusé mon dossier», ajoute-t-il. «Je ne suis pas là pour demander le départ du président Bouteflika, bien au contraire, je veux son maintien. Lui, il travaille pour le pays, mais d'autres sabotent son travail. Je n'adhère pas à cette marche, je suis venu demander mes droits. Si je suis dans mes droits, qu'on me les accorde, si je ne le suis pas, qu'on me jette en prison», selon lui. «Nous sommes perdus, donnez-nous du travail» Un groupe de jeunes fait son apparition dans la rue Mohamed Belouizdad, scandant : «Nous sommes perdus, donnez-nous du travail». Les revendications sociales exprimées par des manifestants non adhérents à la marche ne soutenant le pouvoir étaient présentes hier. «Cette manifestation est une aubaine pour nous, même si nous n'adhérons pas à la marche. Nous voulons que notre voix soit écoutée et entendue», diront des jeunes. Ali Yahia Abdennour : «Nous ne voulons pas de la France» Le président honorifique de la ligue algérienne des droits de l'homme, Ali Yahia Abdennour, présent hier, a démenti l'information selon laquelle il a été interpellé par la police. «Je n'ai pas été interpellé mais j'ai été malmené», dira-t-il. «Je suis debout malgré mon âge. Nous voulons le changement du système et non dans le système», a-t-il ajouté. «Cette marche n'est pas celle de partis politiques mais de la jeunesse et du peuple», lance-t-il. Ali Yahia Abdennour a, par ailleurs, annoncé «nous ne voulons pas de la France». Me Bouchachi : «Les USA cherchent leurs intérêts, nous ne voulons pas d'eux» Présent hier à la tentative de marche, Me Bouchachi a critiqué les USA en déclarant que «les USA veulent leurs intérêts, nous ne voulons pas d'eux». Me Bouchachi, de la ligue des droits de l'homme, est un des membres de la CNCD. Altercations verbales entre partisans et opposants à la marche Nadia Dridi, présidente d'association, était entourée, hier, par des partisans et opposants à la marche. Un débat engagé entre les deux parties qui a dégénéré, malheureusement, en altercation verbale. «Nous ne sommes pas venus du Yémen, nous sommes chez nous, ici, je suis algérien d'origine», a lancé un des manifestants à l'attention d'opposants à la marche. «C'est vous qui partez presque chaque jour en France», lui répondit un opposant à la marche. «Allez à Hydra, pourquoi vous manifestez dans des quartiers populaires ?» lance un autre opposant à la marche. D'autres opposants à la marche scandent à ce moment «Bouteflika». «Estimez-vous que vous vivez bien ?», interroge un manifestant. «Oui, et j'en remercie Dieu, il fut un temps où le couvre-feu était à 6 h et, aujourd'hui, nous vivons dans une situation meilleure», répondit l'opposant à la marche. Un homme barbu intervient pour dire qu'«il y a plus important que cela». Pour manifester son désaccord avec les opposants à la marche, il dira : «Si dieu le veut, il y aura le changement». Des militants de l'ex-FIS s'allongent par terre Ils étaient environ une dizaine de militants du FIS dissous à avoir tenté de marcher hier aux côtés de la CNCD. Non loin de l'agence des P et T de la place du 1er mai, ils tentaient de marcher en vain, empêchés par les policiers. Tandis que les autres manifestants étaient repoussés par les policiers, les empêchant de marcher ; les militants de l'ex-FIS ont trouvé une «astuce», celle de s'allonger par terre, à même la chaussée, pour tenter d'éviter qu'ils soient repoussés. Cette «astuce» n'a pas fait long feu, puisque finalement, ils ont été chassés par les policiers.