Photo : Riad Par Samir Azzoug La marche du 12 février organisée par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie a été empêchée par les forces de l'ordre. Très tôt dans la matinée d'hier, un dispositif policier impressionnant (près d'une centaine de véhicules de ce corps de sécurité et plusieurs centaines d'agents) a quadrillé les alentours de la place de la Concorde (1er-Mai) et les ruelles y menant. Dès 9h30, avant le coup d'envoi officiel de la marche annoncée depuis des semaines à 11h, Me Ali Yahia Abdennour, président d'honneur de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme, et Mustapha Bouchachi, président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme, arrivent sur la place publique accompagnés de plusieurs dizaines de personnes. Ils sont vite encerclés par les forces de l'ordre. Des slogans anti-pouvoir fusent. «Y en a marre de ce pouvoir», «le peuple veut la chute du régime», scandent les quelques dizaines de citoyens présents. S'ensuit une charge des policiers qui ballottent la foule d'un endroit à un autre de la place. Peu après, vers 10h, arrive Saïd Sadi, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). A la charge des forces de l'ordre, les manifestants répliquent, pour tempérer leurs ardeurs : «Marche pacifique». Commence alors une série d'arrestations. Quatorze, selon le ministère de l'Intérieur, une centaine d'après les manifestants. Les initiateurs du mouvement de protestation et quelques jeunes déterminés à marcher sont ciblés en premier. Des femmes policières se sont occupées de la gent féminine. Ils seront relâchés quelques heures plus tard. «Nous avons eu un traitement de faveur dans le commissariat. Ils nous ont même offert à déjeuner», s'étonne un jeune interpellé revenu sur les lieux en début d'après-midi. Aux environs de 11h, des jeunes issus de quartiers voisins, spectateurs au départ, tentent de décrédibiliser les manifestants en scandant des slogans pro-Bouteflika. «Bouteflika n'est pas Moubarak», crient-ils. L'échange, sans animosité au départ, se transforme en moment de panique avec jets de pierres et de pétards. Ce qui obligera les forces de l'ordre à passer à l'action. A forces inégales, les manifestants reculent. Les issues sont bloquées et un jeu de «pousse-toi de là que je m'y mette» entre brigades anti-émeute et manifestants s'engage. L'arrivée remarquée de Kateb Amazigh, fils de Kateb Yacine et chanteur de Gnawa Diffusion, est rapidement éclipsée par celle de Ali Belhadj, ex-numéro 2 du FIS dissous. Très rapidement, il a disparu des lieux. Des rumeurs font état de son interpellation. Au plus fort de la manifestation, bloquée toujours au niveau de la place du 1er-Mai par une force de police disproportionnée, le nombre de militants pour le changement présents, selon certaines appréciations, avoisinait les 1 200 personnes. Le ministère de l'Intérieur donnera le chiffre de 250 contre 3 000 par les organisateurs. Une ambiance sereine, troublée de temps à autre par les charges des policiers anti-émeute, régnait tantôt au niveau de la station de taxis près de la place de la Concorde ou à quelques centaines de mètres plus loin. Entre slogans pro-Bouteflika et ceux dénonçant le système et autres cris de détresse concernant des situations socioprofessionnelles, rares étaient les moments de débordement. A 16h, quelques centaines de jeunes manifestants résistaient encore aux charges des policiers. Certains ont promis de passer la nuit sur place. A l'heure où nous mettons sous presse, les forces de l'ordre continuent de faire face aux plus téméraires des protestataires. Pendant tout ce temps, les rues de la capitale n'ont pas été coupées à la circulation. Mis à part l'impressionnant dispositif sécuritaire déployé, le cours normal de la vie n'a pas changé. Comme un jour ordinaire. Il est fort à parier qu'aucun délit, vol ou agression n'a été enregistré hier.