Les ambassadeurs des «27», réunis vendredi soir à Bruxelles, ont décidé finalement de proroger pour une année supplémentaire l'accord de pêche signé en 2005 entre le Maroc et l'Union européenne, mais dont l'entrée en application effective n'est intervenue qu'en mars 2007. La reconduction de cet accord pour une période de quatre ans, en débat depuis le début de l'année, avait provoqué un long bras de fer entre partisans et adversaires de cet accord. Le forcing de l'Espagne, aidée par la France, pour sa reconduction dans les termes de 2005, s'était heurté à de sérieuses réserves formulées par les pays du nord de l'Europe. «Les services juridiques du Parlement de Strasbourg n'avaient formulé aucune réserve lors de la signature de cet accord en 2005», a soutenu la semaine dernière la ministre espagnole des Affaires étrangères, Trinidad Jimenez, en réponse à la question d'un sénateur qui lui faisait observer que cet accord est illégal s'il est appliqué au Sahara occidental. Mme Jimenez répondait aussi à des pays comme la Suède et le Danemark qui ont bataillé durant toute l'année 2010 pour que le futur accord ne soit pas étendu au territoire sahraoui. Ces deux pays ont fait valoir, dune part, que les 119 chalutiers européens qui ont obtenu des licences de pêche du gouvernement marocain, dont 101 sont de nationalité espagnole, activent illégalement dans les eaux du Sahara occidental, la zone la plus poissonneuse de la côte ouest atlantique. Les réserves des pays du nord Les gouvernements danois et suédois ont soutenu que ce territoire, d'où leurs entreprises ont cessé, depuis 2009, toute activité commerciale et économique pour se conformer à la légalité internationale, est classé non autonome par les Nations unies, et qu'en plus, le produit de pêche ne profite pas aux populations sahraouies. L'Allemagne s'était opposée elle aussi jeudi à la signature de l'accord, car, selon Berlin, le Maroc n'a pas apporté de garanties suffisantes sur l'utilisation de la somme de 36 millions d'euros qu'il reçoit en contrepartie de l'Union européenne, dont la moitié devrait être affectée à la préservation des ressources maritimes dans ses propres eaux territoriales. «Le Maroc, puissance militaire qui occupe illégalement le territoire sahraoui depuis 1975, n'a pas de titre de souveraineté sur le Sahara occidental, ni de droit de disposition de ses richesses maritimes et naturelles», ont averti encore une fois, la semaine dernière, les juristes du Parlement européen, qui ont recommandé à la commission européenne (CE) de trancher d'abord la question de l'élargissement au Sahara du controversé accord, avant de conclure tout contrat à ce sujet avec Rabat. Apparemment, la CE n'a pas tenu compte de l'avis rendu en ce sens par les services juridiques du PE, ni même de la proposition de la commissaire grecque à la Pêche de l'Union européenne, Mme Maria Damanaki, d'exclure le Sahara occidental du futur accord. La colère du Front Polisario Le délégué pour l'Europe du Front Polisario pour l'Europe, Mohamed Besseit, a averti que les 27 violeraient la légalité internationale si, comme il faut s'y attendre, les ministres de l'Agriculture de l'Union européenne paraphaient demain, au cours de leur réunion à Bruxelles, l'accord qui s'est dégagé vendredi soir entre les experts. Pour calmer la colère du mouvement sahraoui, qui entend mener campagne auprès du PE, où les adversaires du controversé accord sont nombreux et très actifs, surtout parmi les verts, les communistes et les nationalistes espagnols, la CE a justifié sa décision par le souci des 27 de se donner le temps - une année - de chercher une solution au problème de la pêche dans les eaux territoriales sahraouies. L'Espagne, le plus grand bénéficiaire de l'accord de pêche, entend poursuivre le «bras de fer» avec ses adversaires du nord pour défendre les intérêts du secteur de la pêche en Espagne. «Le gouvernement Zapatero a choisi les intérêts aux principes», a fait observer plus d'une fois sur cette question le délégué sahraoui à Madrid, Mohamed Boucharaya.