lors de laquelle pas moins de 400 personnes ont été tuées par des tirs à balles réelles, le guide suprême de la Libye, Kadhafi, tient bon à son trône et dit ne pas partir comme l'ont fait d'autres présidents et qu'il restera en chef de la révolution. Dans une allocution télévisée hier, il estime que «la révolution est un sacrifice à vie jusqu'à la fin», soulignant que lui et ses proches «ont créé ce pays», quitte à «mourir en martyr». «Mouammar Kadhafi est le chef de la révolution, synonyme de sacrifices jusqu'à la fin de mes jours. C'est mon pays, celui de mes parents et des ancêtres», a-t-il dit, en guise de rejet des appels à son départ du pouvoir. Il a averti en ce sens les «groupuscules de jeunes drogués» qu'il «n'a pas encore utilisé la force», mais qu'il n'hésiterait pas à l'utiliser contre les opposants à son régime, menaçant ceux qui sont armés de peine de mort. Il demande aux Libyens de ne pas «s'en prendre à l'armée». Rappelant la résistance de son pays aux Etats-Unis, il a invité ceux qui l'aiment à sortir dans les rues contre des insurgés qui ne font qu'imiter ce qui s'est passé dans les autres pays arabes. Agitant la menace de guerre civile, comme l'avait fait son fils, Seif El Islam, Kadhafi prévient les puissances étrangères, occidentales notamment, accusées de tous les maux, que la Libye pourrait devenir un nouvel Afghanistan et a également menacé les «rebelles» d'une riposte «similaire à Tian'anmen (en Chine) et Fallouja (en Irak)». Les manifestants armés passibles de la peine de mort Les manifestants armés sont passibles de la peine de mort, a-t-il précisé, tout en ajoutant que c'est au peuple d'assurer la «protection de la révolution populaire». Sur un autre plan, il a promis «une nouvelle administration, de nouveaux comités». Le huis clos imposé par le guide libyen pour réprimer dans le sang la révolte du peuple a volé en éclats hier avec les témoignages des diplomates libyens et des milliers d'étrangers qui fuient le pays. La répression sanglante contre les populations et manifestants dénoncée par les organisations humanitaires a été confirmée par des témoins, arrivés dans leurs pays. Cette répression sans «pitié», comme soulignée par des échos en provenance de la Jamahiriya, a fait entre 300 et 400 morts dans des confrontations inégales. Le dictateur a eu recours à tous les moyens pour réprimer et étouffer les manifestations appelant au changement du régime et au départ du guide suprême. Le clan au pouvoir a utilisé dans sa sale besogne tout son arsenal de guerre dont des avions et autres hélicoptères, selon des témoins joints par téléphone par des chaînes satellitaires. Des mercenaires africains ont été également payés pour mater violemment les manifestants, notamment à Benghazi, chef-lieu de la révolte. Une partie de l'armée lâche le Guide Néanmoins, et en dépit de la farouche répression, beaucoup de villes sont tombées, notamment à l'est de la côte, et des militaires se sont ralliés au soulèvement, selon la Fédération internationale des droits de l'homme (Fidh), citant notamment Benghazi, bastion de l'opposition. Pour démontrer le contraire des faits sur le terrain et son affolement en pareilles circonstances, le clan du pouvoir s'est montré à la télévision étatique. Le fils du guide, Seif El Islam, pour réaffirmer le soutien de l'armée à son père, et le père lui-même pour démentir des rumeurs le donnant parti pour le Venezuela. «Je vais voir les jeunes sur la place verte.» C'est juste pour prouver que je suis à Tripoli et non au Venezuela et démentir les télévisions», a-t-il dit. Mais devant l'ampleur des massacres qualifiés de carnage, le guide suprême n'aura d'autres issues que celle de quitter le pouvoir. Les nombreuses défections dans les unités de son armée, les pilotes qui ont détourné des avions en direction des pays étrangers ainsi que la pression de la communauté internationale ne plaident pas en sa faveur, comme d'ailleurs plusieurs démissions des membres de son staff diplomatique. Le plus virulent a été son ancien chef de protocole, Nouri El Mismari. Dans une interview à un journal français, il a expliqué qu'il y a «un massacre à chaque heure, chaque moment, et que dans tous les coins, vous trouvez des combats. Et ils sont en train, avec l'armée de l'air, de bombarder des quartiers à l'aveuglette». «Il y a déjà plusieurs centaines de morts, bien plus que 400», le dernier bilan des organisations humanitaires. En contact avec la Libye aussi souvent que possible via un téléphone satellitaire, il raconte que pour le moment, Tripoli est toujours contrôlé par les forces de l'ordre et qu'il y a des mercenaires africains sur place. Mais qu'«avec la force et la lutte du peuple, le régime de Kadhafi va tomber». La chute du régime est la revendication principale des manifestants qui ne comptent pas s'arrêter en chemin après avoir perdu tant de compatriotes. Comme de nombreux diplomates, il a annoncé lundi dans la journée qu'il démissionnait de toutes ses fonctions, «qu'il se passe un génocide de masse». Le chef de protocole a été suivi par d'autres défections au sein du régime libyen. Les amnbassadeurs libyens à l'étranger démissionnent Ainsi, les ambassadeurs libyens aux Etats-Unis, en Inde, au Bangladesh, en Australie, en Malaisie et en Suède ont annoncé avoir démissionné. Le ministre de la Justice, Moustapha Abdel Jalil, et le représentant permanent de la Libye auprès de la Ligue arabe, Abdel Moneim Al Honi, ont également lâché le régime. Plus radicaux encore, des membres de l'équipe diplomatique libyenne, emmenés par l'ambassadeur adjoint de la Libye à l'ONU, Ibrahim Dabbashi, ont quant à eux exhorté l'armée libyenne à renverser Mouammar Kadhafi, un «tyran» qu'ils accusent de «génocide». La situation générale très dangereuse a contraint des milliers de Tunisiens et d'Egyptiens à fuir la Libye par les frontières terrestres, alors que des pays comme l'Italie, la France ou l'Egypte ont dépêché des avions ou des ferries, comme la Turquie, pour rapatrier leurs ressortissants. Sur le plan diplomatique, les Nations unies exigent une enquête internationale, alors que le haut commissaire aux Nations unies pour les droits de l'homme, Navi Pillay, a demandé l'ouverture d'une «enquête internationale indépendante» sur les violences en Libye et demandé l'«arrêt immédiat des graves violations des droits de l'homme commises par les autorités libyennes». «La brutalité avec laquelle les autorités libyennes et leurs mercenaires tireraient à balles réelles sur des manifestants pacifiques est inadmissible», a indiqué Mme Pillay dans un communiqué.