L'usage de la force lors de la dispersion des manifestants à Tahrir square nourrit les craintes des militants qui accusent l'armée au pouvoir en Egypte de «trahison» envers le peuple. Venus célébrer les deux semaines de la chute de Hosni Moubarak et réclamer la démission des ministres compromis avec l'ancien régime, les manifestants ont eu la mauvaise surprise une fois minuit passé. Après avoir éteint les lampadaires, les soldats se sont mis à tirer en l'air et à faire usage de matraques pour disperser les manifestants présents. Pourtant, le conseil suprême des forces armées, qui gère les affaires courantes du pays dans l'attente des élections présidentielles et législatives, prévues dans six mois, a déclaré qu'il n'avait aucunement donné l'ordre de «charger» les manifestants. «Ce qui s'est passé la nuit dernière (...) était le résultat d'altercations involontaires entre la police militaire et les enfants de la révolution», a dit le conseil sur sa page Facebook. Ainsi, Omar Souleimane n'aurait pas mis à exécution ses menaces passées bien qu'il se soit montré particulièrement agacé quant à l'«occupation» continue de la place Tahrir. Le conseil a affirmé que les personnes interpellées seront libérées avant d'accuser des fauteurs de troubles «infiltrés» d'avoir jeté des pierres et des bouteilles sur les forces de l'ordre. Toutes ces affirmations n'ont pas rassuré ces mêmes enfants de la révolution dont la confiance dans l'armée serait en train de s'effriter. «Je pensais que les choses changeraient. Je voulais donner une chance au gouvernement mais c'est sans espoir avec ce régime», a résumé un manifestant. Le conseil suprême des forces armées est devant un vrai dilemme : comment répondre aux aspirations démocratiques du peuple et remettre l'économie en route qui passe par la fin des grèves sur les salaires et les conditions de travail. L'armée s'est engagée à empêcher une «contre-révolution» mais a été confrontée vendredi à des manifestations dans tout le pays, réclamant une modification en profondeur de la Constitution et la démission du Premier ministre Ahmed Chafik. Selon un diplomate occidental, le conseil au pouvoir est réticent à mettre en œuvre des réformes autres que constitutionnelles et souhaite en laisser la responsabilité au prochain gouvernement élu.