Le Conseil de sécurité (CS) des Nations unies a prononcé, samedi en soirée, les sanctions qui s'imposent dans le cas de crime contre l'humanité en Libye qui peuvent conduire le dictateur Mouamar Kadhafi, des membres de sa famille et des piliers de son régime, une quinzaine de personnes au total, devant la Cour pénale internationale (CPI). La communauté internationale n'en attendait pas moins de l'organe suprême de l'ONU qui a pris ses responsabilités, cette fois, à travers une batterie de mesures aussi coercitives les unes que les autres, en n'excluant pas non plus une intervention militaire si la situation sur le terrain l'exigeait. Le recours unanime des quinze membres du Conseil de sécurité de l'ONU au chapitre VII de la charte de San Francisco pour faire cesser le «bain de sang» provoqué par le dictateur libyen dans son propre pays dans le seul but de se maintenir au pouvoir qu'il exerce déjà d'une manière absolue depuis 41 ans, a été salué comme il se doit. Il est rare, en effet, que le CS use de cette disposition majeure du droit international particulièrement contraignante, alors que les situations de menace à la paix et à la sécurité internationale, de génocide ou de crimes contre l'humanité, pareilles sinon plus dramatiques encore que celle que vit le peuple libyen, sont encore assez fréquentes dans le monde. En particulier dans le monde arabe où les exemples de cette envergure ne manquent pas et n'ont jamais suscité autant de préoccupations au niveau du Conseil de sécurité. Le cas de la Palestine est assez édifiant à ce propos. En 1947, le CS avait procédé à l'injuste partage de cette terre des Prophètes en donnant la «part du lion» à Israël. En 63 ans d'existence, et dans une totale impunité internationale, l'Etat hébreu a annexé, occupé ou colonisé ce qui restait de la Palestine historique jusqu'à faire de la partie arabe d'Al Qods une petite enclave dans le nouveau monde judaïque. De David Ben Gourion, premier président d'Israël, à Netanyahu, un tiers du peuple palestinien a été massacré et un autre tiers réduit à l'état de réfugiés au Liban et dans les pays arabes voisins. Le tiers restant, Netanyahu veut, aujourd'hui, en faire des immigrés dans l'Etat «juif» pour l'expulser légalement cette fois. Pourtant, jamais le Conseil de sécurité des Nations unies n'a eu recours au Chapitre VII de la Charte de San Francisco dans ce cas. Même lorsqu'au lendemain de sa création, l'Etat d'Israël avait donné un ultimatum de quelques heures aux habitants de Deir Yassine pour évacuer les lieux. Ces villageois seront massacrés quand même avant d'effectuer la traversée du Jourdain. Ces exemples de génocides ne se comptent pas en Palestine ! L'invasion de Ghaza de décembre 2009 à janvier 2010 que le monde a vécue en direct sur toutes les chaînes de télévision n'a pas occasionné aux dirigeants israéliens plus que de simples «préoccupations» de la communauté internationale. Les courageux magistrats qui en Espagne, en France ou en Belgique ont vainement tenté de conduire les dirigeants israéliens coupables de crimes contre l'humanité devant le TPI que les Etats-Unis ne reconnaissent pas et que l'Union européenne reconnaît seulement pour Omar el Bachir ou Kadhafi. Pas pour Netanyahu. En Espagne, le code pénal a été réformé justement pour limiter le pouvoir extérieur des magistrats ! Les bourreaux israéliens ne pourront plus être inquiétés. Depuis 1947, les Etats-Unis ont usé de leur droit de veto pour empêcher tout recours à des sanctions internationales contre Israël ou ses dirigeants malgré le constat de crime contre l'Humanité établi à Ghaza et de situation de menace à la paix et à la sécurité internationale constaté par des enquêteurs internationaux. C'est pareil dans le cas de l'invasion américaine en Irak qui a fait des dizaines de milliers de morts. Quelle aura été à ce jour la réaction internationale face à ce cas de crimes contre l'humanité ? Le recours du Conseil de sécurité même à une sanction nécessaire, proportionnée et urgente contre le régime sanguinaire de Mouamar Kadhafi ne dédouane pas pour autant les puissances occidentales de l'usage abusif qu'elles font du droit de veto dans les nombreuses et flagrantes situations de crimes contre l'humanité, quand c'est l'œuvre d'un allié comme Israël. Un sérieux doute plane dès lors sur la crédibilité de ces pays membres permanents du CS qui jouissent de cette arme dissuasive en vertu de ce qu'on appelle leur «responsabilité internationale». Du moins tant que le recours du CS au Chapitre VII de la Charte de l'ONU continuera de se faire en fonction d'intérêts propres. On appelle ça un droit international à «deux vitesses».