LE maître de Caracas ne pouvait pas ne pas prendre la défense du Guide libyen. C'est dans les moments difficiles que l'on reconnaît ses vrais amis. Si les Etats-Unis veulent intervenir dans la Jamahiriya, ce n'est que pour accaparer les champs de pétrole. Venant de Hugo Chavez, cette révélation n'étonne presque personne tellement l'homme nous a habitué à des salves beaucoup plus salvatrices que celles en faveur de son ami Mouammar. Mais que le président yéménite, Ali Saleh, déclare que les révoltes dans le monde arabe sont l'oeuvre d'un cabinet noir, situé à Tel-Aviv et dirigé par la Maison-Blanche, cela a surpris tout le monde. Nul n'a pu imaginer qu'un jour cet allié de longue date de Washington puisse retourner sa veste et dire haut et fort ce que les dirigeants et les peuples du monde araboislamique pensent tout bas. Bien qu'il ne soit pas allé jusqu'à accepter le déploiement de forces occidentales afin que soit matée Al Qaïda Yémen, qu'est-ce qui a fait que l'homme fort de Sanaa tire à boulets rouges sur l'administration Obama et adhère, dans la foulée, au discours même de l'internationale terroriste ? Dans la forme et tout comme ses prédécesseurs qui ont lâché prise face aux vents violents de la révolte, le président Ali Saleh ne supporterait pas que son régime soit contesté après plus de deux décennies au pouvoir par ses sujets. D'autant qu'il a annoncé qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat en 2013 et qu'il ne léguera pas le pouvoir à son fils. Mais c'est dans le fond que la chose blesse. Après des semaines de manifestations, qui ont fini par s'étendre à tout le territoire yéménite, Ali Saleh est persuadé que la Grande Amérique va le lâcher à son tour. Ce n'est qu'une histoire de temps, l'insurrection libyenne ayant sûrement retardé cette échéance. Perdant tout espoir de voir l'opposition faire ses premiers pas dans un gouvernement d'union nationale, le président contesté se devait d'imiter ses frères déchus qui avaient brandi les agendas internationaux. La vieille cité du bonheur est en proie à un complot israéloaméricain, a vociféré le président Saleh dans un amphithéâtre de la faculté de médecine. Tout comme ses pairs, Ben Ali, Moubarak, Kadhafi, pourquoi a-t-il attendu tout ce temps-là pour s'en prendre à la sacro-sainte alliance ? N'aurait-il pas dû rompre le silence durant toutes ces décennies au pouvoir… sans partage ? Pas question de trahir une vieille et une avantageuse amitié avec un Occident aussi permissible qui tirait lui aussi ses ficelles du jeu, roulant des millions de barils de pétrole. Il suffit de suivre la trace des capitaux mal acquis par ses anciens amis de l'Ouest pour comprendre le poids de leur silence collectif. Des milliards de dollars qui dorment dans les banques américaines et européennes et autant d'investissements pour blanchir l'argent volé aux peuples. Rupture avec l'ancienne pratique du Texan W. Bush dont le nom ne s'inscrira pas dans l'histoire d'une paix impossible arabo-israélienne. Lorgnant la prochaine présidentielle US, le président Obama semble prêt à faire le grand ménage (remodelage du Grand Moyen-Orient) dans la région sans distinction aucune. Les pays arabes modérés comme les pays radicaux s'étaient entêtés ensemble à ne reconnaître que le plan de paix arabe, ne laissant aucune porte entrouverte aux idées américaines. Pourquoi donc ne pas donner chance à l'émergence de sociétés démocratiques qui, éventuellement, pourraient accepter des concessions que leurs dirigeants ont toujours refusé de faire. Feu Arafat s'en souviendrait même dans sa tombe de cette nuit passée dans un chalet de camp David au lendemain duquel il était reparti sans la paix. Et si ce sont les mouvements islamistes qui venaient à prendre le pouvoir dans ces pays ? C'est un risque à prendre, certes, mais la Grande Amérique d'Obama n'imaginerait plus un monde arabe plus royaliste que les Palestiniens. Ils avaient eu le processus de Barcelone, Doha et l'UPM pour prouver leur réelle amitié avec l'axe Tel- Aviv-Washington.