Après Hugo Chavez et Evo Morales, respectivement président vénézuélien et chef de l'Etat bolivien, hier c'était au tour du guide libyen Mouammar Kadhafi d'émettre l'intention de nationaliser les compagnies pétrolières étrangères activant dans son pays. Une surprise. Mais l'initiative libyenne tient compte, néanmoins, des cours du pétrole. C'est-à-dire que cette nationalisation souhaitée interviendra si le prix du baril de pétrole ne grimpait pas autour des 100 dollars, a indiqué hier le guide de la Jamahiriya, repris par l'agence libyenne Jana. Lors d'un dîner vendredi soir en l'honneur du roi d'Espagne, Juan Carlos, en visite à Tripoli, M. Kadhafi a estimé qu'« un prix qui se stabiliserait autour de 100 dollars (...) est le prix raisonnable visé », estimant qu'un des moyens pour parvenir à un tel niveau de prix était de « contrôler l'industrie du pétrole sans participation étrangère ». Bien avant lui, Hugo Chavez s'était investi en amont et en aval pour faire aboutir son action de nationalisation. Le président bolivien, Evo Morales, est passé vendredi par le même canal en décidant de nationaliser l'entreprise pétrolière Chaco, gérée par la société Panamerican Energy, à capitaux argentins et britanniques. Ces appels à la nationalisation ont suscité des appréhensions auprès des compagnies pétrolières étrangères, craignant un effet boule de neige, alors que des observateurs estiment qu'il s'agissait d'un moyen de pression sur ces sociétés pour qu'elles acceptent des parts de production moins importantes. Mais au Venezuela et en Bolivie, le discours a bien évolué et a fini par être concrétisé à la lettre. Le président du Venezuela Hugo Chavez avait, rappelons-le, donné l'ordre de privatiser des installations pétrolières des compagnies exploitantes étrangères dans la région vénézuélienne du fleuve Orénoque. « Petit à petit, nous récupérons nos entreprises », a déclaré de son côté Evo Morales qui avait déjà, lui aussi, annoncé la nationalisation de Chaco le 1er mai 2008 avant d'ouvrir une phase de négociations avec Panamerican Energy sur les conditions de transfert de la totalité des actions en vue de prendre le contrôle total de l'entreprise. C'est le même scénario que prévoit le guide libyen Mouammar Kadhafi. Estimant que la nationalisation était « un droit légitime », le dirigeant libyen a tenté toutefois de rassurer les sociétés pétrolières étrangères, affirmant qu'une telle décision ne sera pas prise subitement. « Il doit y avoir un compromis avec le partenaire étranger », a-t-il ajouté. Tentant de démystifier ce phénomène, Nordine Aït Laoussine, consultant international et ancien ministre de l'Energie, estime que la tendance évolue au profit d'un partenariat entre les sociétés nationales. D'après lui, le rapport de forces entre les sociétés nationales (NOC) et les sociétés internationales (IOC) (les firmes) évolue à l'avantage des sociétés nationales. En d'autres termes, il y a, en quelque sorte, une remise en cause de l'ancien modèle de partenariat et la tendance de ces dernières années fait comprendre que les sociétés nationales (NOC) préfèrent traiter entre elles. L'ancien ministre de l'Energie a expliqué que « dans les formules classiques du partenariat NOC/IOC, l'intervention des IOC est généralement limitée à l'amont du pays hôte ». C'est-à-dire que le partenaire étranger est censé apporter le capital risque et la technologie, tandis que la NOC, agissant au nom du pays hôte, perçoit l'impôt pétrolier et subventionne le marché intérieur. D'après Nordine Aït Laoussine, la tendance actuelle tourne plutôt vers un partenariat entre les sociétés nationales. Et « à la faveur de cette évolution, des formules novatrices de partenariat sont possibles pour accompagner les efforts des producteurs pour le développement hors hydrocarbures ». Le guide de la Jamahiriya vient confirmer ainsi cette tendance. Les firmes internationales se sont mises déjà à imaginer tous les scénarios catastrophe possibles.