Le président yéménite, Ali Abdallah Saleh, ne sait plus où se mettre après sa gueulante contre la grande Amérique et Israël. Il faut dire que l'homme fort de Sanaa s'est fait taper sur les doigts dès sa descente de la tribune de la faculté de médecine. C'est fâcheux de désigner des «boucs émissaires». Si la rue continue de gronder, ce n'est pas la faute à Washington ou à Tel-Aviv, mais bien à l'allié Ali Saleh, qui, en vingt-trois ans de règne, n'a jamais pensé, ne serait-ce qu'une seule fois, à amorcer un semblant de réformes. Au fond du pétrin, le président-allié est revenu à la raison et a présenté ses plates excuses pour ce malentendu. Les Etats-Unis fermeront-ils la parenthèse et reviendront-ils à de meilleurs sentiments pour sauver le navire d'Ali Saleh d'un naufrage certain dans le golfe d'Aden ? Ce que Mme Clinton peut lui conseiller, c'est qu'il n'essaye même pas de réprimer les manifestants qui ont tout à fait le droit d'exprimer leurs opinions de manière pacifique. Le président Ali Saleh peut résister jusqu'à la dernière goutte de son sang s'il le peut, mais gare aux tentatives de se re-saisir des leviers du pouvoir, matraque à la main. Pour éviter de procéder à un lâchage pur et dur de son allié dans lutte contre Al Qaïda, le gouvernement US soutiendrait-il la proposition de l'opposition yéménite qui donne au président Ali Saleh jusqu'à la fin de l'année pour faire ses cartons ? Ce ne serait pas la bonne sortie de crise. D'abord, le président yéménite, tout comme le colonel Kadhafi, se voit déjà mourir en martyr de la démocratie imposée par la main de l'étranger. Ensuite, les manifestants, qui n'ont pas d'ordre à recevoir des partis de l'opposition, veulent qu'il parte dans l'immédiat. Ce ne sera pas demain la veille, les petits regrets de Ali Saleh auront le temps de devenir plus grands au risque de faire chuter les remparts anti-islamistes et balayer les «alibis» d'une guerre tribale. Quant à la White House, elle aura le temps, elle aussi, de délégitimer le régime de Mouammar Kadhafi, puisque celui-ci ne compte pas cesser ses gros mensonges par la voix de Seïf El Islam. Hilarant rien qu'à l'écoute du chiffre effarant de 2000 morts, fou rire garanti pour les 6000, le fils de son père a laissé entendre qu'il ne sera jamais question de mener des contre-offensives à l'est. Pourtant, les mortels raids aériens contredisent, chaque jour un peu plus, les propos propagandistes de Seïf El Islam. Sourd aux appels à la raison de ses propres alliés et désormais présumé coupable de crimes contre l'humanité, Mouammar Kadhafi ne fait qu'aggraver son cas. Et ce n'est pas la médiation vénézuélienne qui pourra le sauver pour la simple raison que l'Oncle Sam ne tolérera jamais que son plus grand ennemi latino puisse mettre son grain de sel. Si le clan des Kadhafi persiste sur la voie du mensonge et si la situation venait à se détériorer, la France n'écarte plus l'option d'une zone d'exclusion aérienne dans le ciel de Libye sur laquelle elle planche déjà en compagnie du Royaume-Uni. Idem pour les vingt-six de l'Otan qui n'auraient pas l'intention d'intervenir dans la Jamahiriya, mais… A trop vouloir s'obstiner, le colonel Kadhafi finira-t-il par «offrir» à l'Amérique et à ses alliés de quoi intervenir en Libye, sans même un convenable acquiescement de la part des autres grandes puissances rivales ? Surtout que l'opposition, basée essentiellement à l'est, vient de soutenir ouvertement une intervention militaire étrangère ? Les retranchés de la porte d'El Azizia devraient prendre leur décision avant le 11 mars, jour du sommet extraordinaire des chefs de la diplomatie de l'UE. Passée cette date, le colonel et ses fils devront affronter le pire.