Un élève de première année a été poignardé, le 16 février, à l'intérieur du lycée Okba de Bab El Oued, suite à une bagarre provoquée par des intrus. Le ministèrede l'Education a constitué une commission d'enquête autour de ces événements. Des surveillants ont été mutés. L'association des parents d'élèves, marginalisée au cours de l'enquête, rappelle qu'elle avait auparavant attiré l'attention de la tutelle sur la multiplication des actes de violence dus, en partie, à la surcharge du bloc central après la fermeture des anciens locaux pour une réhabilitation qui risque de tarder. Le lycée Okba de Bab El Oued a vécu des moments de trouble sans précédents les 16 et 17 février dernier, soit au cours des deux derniers jours de classe avant les vacances d'une semaine accordées aux élèves en prélude à l'ouverture de la session d'examen du deuxième trimestre. Des jeunes étrangers à l'établissement, identifiés par l'association des parents d'élèves comme faisant partie du gang de la rampe Valley (Arezki Louni), y ont créé le désordre au point de pousser l'administration à suspendre les cours. La franchise de l'établissement a été violée à cause de la défaillance du service de gardiennage qui s'est vu complètement dépassé par les événements. Disposant de pétards et d'armes blanches, les extras s'étaient opposés aux lycéens dans la confusion. Des séquences de cette confrontation, filmées en utilisant des téléphones portables, ont circulé sur le réseau social Facebook. On peut y voir, entre autres, des fumigènes allumés dans la cour et des jeunes allant dans tous les sens, parfois en courant en groupe. «Le désordre a régné durant toute la journée de mercredi et la matinée de jeudi», relate un membre du bureau de l'association des parents. Selon lui, l'irréparable a failli se produire durant la journée du 16 février. Les intrus, explique-t-il, s'étaient introduits dans le bâtiment principal du lycée par la grande porte, avec des sacs à dos contenant des armes blanches (couteaux, épées,...) et des pétards. Ils ont même utilisé un chien. Le calme est revenu jeudi après le départ en vacances. Cette pagaille a laissé des traces. Les dégâts matériels étaient prévisibles. Des vitres ont été brisées, des tables et des tableaux blancs endommagés. Les réparations ont été aussitôt engagées. «Quand les policiers du 8e arrondissement sont intervenus, jeudi, ils ont récupéré des couteaux dans le lycée», assure-t-on. Commission d'enquête Ces événements étaient suffisamment graves pour justifier la constitution d'une commission d'enquête. Celle-ci s'est déplacée à deux reprises à Okba, au moment où les élèves étaient en vacances (17-23 février). «La commission était constituée de trois membres. Il y avait le secrétaire général de la direction de l'éducation d'Alger-centre territorialement compétente, l'inspecteur principal de l'administration au niveau du ministère de l'Education nationale et un inspecteur de maths de la circonscription administrative de Bab El Oued. Ce dernier n'est autre que le frère du directeur du lycée. «Pour la crédibilité de la commission, l'inspecteur n'avait pas à prendre part à l'enquête», indique l'association. Outre sa composition, les parents contestent les méthodes d'investigation de cette commission. «Les enquêteurs ont pris langue avec l'administration dans ses différents services. L'association a été complètement marginalisée du début jusqu'à la fin. Elle n'a été ni contactée, ni consultée. Or, nous aussi, nous avons des choses à dire sur ce qui s'est passé. Nous sommes les parents des élèves de ce lycée, nous sommes donc les premiers concernés par cette affaire», explique-t-on. A l'association, on a pris acte de la différence qu'il y a entre le discours officiel sur le rôle véritable des associations des parents, et la réalité. «Le ministre de l'Education nationale n'arrête pas de dire que les associations des parents d'élèves sont des partenaires de l'administration dans la gestion des établissements. Dans la réalité, nous sommes souvent exclus. Que signifie alors ce partenariat ? Est-ce qu'il signifie : cautionner le statu quo ?», s'interroge ce représentant des parents. Tout compte fait, la commission a bouclé son enquête. Elle a conclu à des défaillances dans le corps des surveillants. Les sanctions commencent à tomber : 5 agents seraient mutés vers d'autres établissements, dont les premiers ont reçu la notification de cette décision la semaine passée. Pour l'association, les personnes sanctionnées ne seraient que des boucs émissaires. Le mal est plus profond, avance-t-on. Un lycéen poignardé L'association a voulu être entendue par la commission d'enquête, ne serait-ce que pour lui faire part du cas de ce lycéen inscrit en première année, auquel un intrus a ouvert la main avec un couteau. «Le lycéen a été agressé durant la première journée de la bagarre générale. D'après ce qu'il a raconté à l'association, il a reçu le coup quand il est intervenu en faveur d'un autre lycéen menacé. Pour avoir serré le couteau, il a eu la main tranchée», raconte-t-on. L'élève, orphelin de père, a été transféré vers l'hôpital de Bab El Oued par un camarade. «Il a eu douze points de suture. Il risque de perdre ses doigts parce que la blessure est profonde», précise ce parent. En clair, l'élève risque un handicap à vie. Il risque aussi de ne pas accéder à ses droits le cas échéant parce que les procédures en vigueur n'ont pas été suivies. Le bureau de l'association est ainsi déterminé à défendre ses intérêts. C'est pour cette raison qu'il n'hésite pas à s'attaquer à l'administration du lycée. «L'administration n'a dressé aucun rapport ou constat, et elle n'a même pas informé la commission d'enquête sur cette agression. Elle a voulu camoufler l'affaire», accuse-t-on. Sans ce rapport, il sera difficile pour la victime de prétendre à une pension au cas où elle perdrait ses doigts. La tutelle était avertie Ce qui s'est passé à Okba les 16 et 17 février a été prédit par l'association deux semaines plutôt. Dans un courrier adressé le 1er février à la direction de l'éducation, au wali et au ministère de tutelle, les parents avaient déploré «plus de violence» dans le lycée à cause de la promiscuité. Le bâtiment principal souffre en effet de la surcharge depuis la rentrée scolaire de septembre 2010. Ceci est dû à la fermeture de l'annexe, inaugurée en 1898, pour travaux de restauration. Okba compte 776 places pédagogiques dont 380 dans les anciens locaux. L'évacuation de ces derniers a obligé l'administration à leur trouver refuge dans le bloc central qui dispose presque de la même capacité d'accueil. On est donc passé du simple au double. Plusieurs espaces ont été mis à la disposition des élèves de l'annexe, comme les salles de réunion, la salle polyvalente, le bureau de l'association des parents, etc. Ce «sacrifice» a été accueilli dans l'indifférence. Le projet de restauration, lancé fin 2009, en est toujours à ses débuts. Inscrit dans le cadre du programme portant restauration de dix lycées les plus anciens de la capitale, Okba a bénéficié d'une enveloppe de 160 millions de dinars pour sa réhabilitation. A mesure que le temps passe, l'association s'impatiente de voir le chantier levé. Constatant des défaillances dans les travaux de remise en état, elle est allée jusqu'à contester à l'entreprise titulaire du marché sa capacité à mener à bien l'opération inscrite. D'ailleurs, le courrier du 1er février demandait la constitution d'une commission d'enquête sur la manière avec laquelle l'entrepreneur a pu décrocher le projet alors qu'il n'a pas les moyens humains et matériels pour ce type d'intervention sur le vieux bâti. La demande de l'association reste sans suite.