Drapé de son traditionnel «bambou libyen», Mouammar Kadhafi est réapparu sur France 24. L'homme, qui voit Al Qaïda partout dans la Jamahiriya, n'a pas mâché ses mots pour critiquer l'ingérence de la France. Est-elle la seule à exercer des pressions sur le régime de Tripoli ? Ce qui a froissé le vieux guide c'est le fait que Paris soutient pleinement le Conseil national de transition, dirigé par l'ancien garde des sceaux libyen. Un geste mal placé d'autant que l'illégitime pouvoir en place tente d'imposer sa fréquentabilité perdue au sein des grandes instances internationales. Notamment au sein de la Ligue arabe que le colonel Kadhafi s'était habitué à bouder pour le plus petit des différends, avant la suspension de la Libye. En insistant sur le retour de la Jamahiriya parmi les vingt-deux, le retranché de la porte d'El Azizia cherche-t-il à court-circuiter une éventuelle combinaison des forces arabo-occidentales qui pourraient décider d'imposer une zone d'exclusion aérienne dans le ciel de Libye puisqu'un débarquement militaire, dans sa version irakienne, n'est plus à prévoir ? Il est certain que le régime de Tripoli craint une probable liaison, si dangereuse pour les contre-offensives que son armée irrégulière, par la faute de présence de mercenaires étrangers en son sein, est en train de mener sans distinction aucune. Si Alain Juppé est parti dire de vive voix aux enfants de la révolution de la place Tahrir que Paris les accompagnera dans leur apprentissage démocratique, sa mission au Caire ne s'est pas limitée à ce message. Le patron du Quai d'Orsay qui s'attable avec Amr Moussa, ce ne serait pas de bon augure pour le colonel Kadhafi. Ce même si le message de la Ligue arabe au colonel Kadhafi à propos de sa réconciliation avec son peuple est demeuré confus. Bref, ce n'est un secret pour personne, la France se veut en première. Alors qu'Alain Juppé disait l'horreur de la France par rapport à «la folie meurtrière de Kadhafi», le président Sarkozy recevait avec courtoisie son «ennemi juré» Dominique de Villepin. Si Nicolas Sarkozy le courtise c'est certainement pour le convaincre de revenir à de meilleurs sentiments, à défaut de le voir revenir dans la maison UMP. La fulgurante ascension de la patronne du Front national dans les sondages obligerait-elle les deux hommes à une réconciliation de façade ? On verra bien. Officiellement, ils se sont rencontrés pour discuter du prochain sommet de l'Europe consacré à la situation en Libye en particulier et en Afrique du Nord en général. Maintenant que l'option d'une intervention terrestre de l'Otan est au fond du tiroir, l'option d'un embargo aérien, urgent mais délicat, serait-elle retenue ? Avant de déposer un projet de résolution au Conseil de sécurité, la Ve République française sait qu'elle doit persuader un bon nombre d'Etats occidentaux, arabes et africains de la faisabilité de la chose. Car il y a risque d'un impact négatif auprès des différentes opinions arabes, la zone d'exclusion aérienne ne deviendra réelle qu'après destruction de la flotte de l'armée de l'air libyenne. Et comme il n'y a que l'Otan pour réussir un tel carton plein, la gêne dans laquelle se trouveraient les pays du bloc transatlantique serait plus intense que les actuels bombardements aériens sur les villes libyennes. Alors qu'Alain Juppé continue de plancher sur ce projet de résolution, le vice-président US, Joe Biden, convaincra-t-il Vladimir Poutine de la nécessité d'imposer un embargo aérien à la Libye d'autant qu'il est prévu que les deux hommes se rencontrent à la veille du sommet européen ? Au lendemain de sa tenue, tous les coups hauts dans le ciel de Libye seront permis. La Ligue arabe est de cet avis.