Maintenant que Seïf El Islam se fait trop discret et n'assure plus la communication (où est-il passé ?), Mouammar Kadhafi est en première ligne du front médiatique. Il n'hésite plus à gâter des médias friands de ses rires sarcastiques et de ses apparences extravagantes. Sur LCI, l'épouvantail d'Al Qaïda devenant son meilleur ami imaginaire, le «roi rouge» nous apprend que la Libye, sinon son régime, est en proie à un complot colonialiste. Les Libyens, ses sujets depuis quatre décennies, doivent ainsi se méfier des Occidentaux, suceurs de pétrole. Question. Qui a fait que ces mêmes gens de l'Ouest s'intéressent du jour au lendemain et de beaucoup plus près à la Jamahiriya ? Il n'y a pu y avoir qu'un coupable et celui-ci se nomme Mouammar Kadhafi. Pris de panique, à la suite de la chute de ses deux voisins dictateurs, l'ancien homme de Tripoli n'a pas trouvé meilleure manière de gérer la crise que d'ouvrir plein feu sur des opposants qui ont cru naïvement à la possibilité de se retourner pacifiquement contre le vieux père de la révolution. Plouf dans le sang ! Des cadavres disparus des morgues comme pour mieux masquer le crime. Il n'y aurait pas eu autant que veut bien le faire croire l'Occident. Ce gigantisme ferait justement partie de ce complot colonialiste. Une conspiration étrangère qui, selon l'infatigable orateur, s'expliquerait par la jalousie maladive qu'Américains, Britanniques et Français nourrissent envers les Libyens qui, eux, baignent dans le bonheur. Et pour ce qui est du respect des droits de l'homme et des libertés individuelles et collectives ? De la foutaise. D'après les thèses absolutistes de Mouammar Kadhafi, son peuple n'a jamais eu besoin de ce bol d'air démocratique. L'adoration du Guide et elle seule serait suffisante pour combler le cœur de millions de Libyens. En résumé, ce qui ne m'aime plus est un traître, à la solde de l'Occident qui n'aurait qu'une idée malintentionnée derrière la tête : coloniser la Jamahiriya et la piller jusqu'à la dernière datte. S'il voulait absolument éviter cette colonisation, alors pourquoi le leader, otage de sa forteresse et de ses crimes à répétition, n'a-t-il pas ouvert les voies du dialogue avec ses opposants au commencement de la révolte populaire, militarisée au fil des massacres contre les civils ? Quand on appelle à la guerre civile et l'on promet de mettre son pays à feu et à sang, il faut s'attendre à une réaction de l'étranger. C'est la moindre des choses. A moins, bien sûr, que l'on veuille faire exprès de laisser pourrir la situation, voire pousser à son aggravation extrême. Imaginons un instant que ce complot colonialiste échoue, Mouammar Kadhafi entreprendra-t-il des représailles contre les conspirateurs en chef ? Après un laconique «on verra bien», il s'est dit confiant quant à de futures visites sur le vieux continent. Garde-t-il espoir de devenir l'ami intime des Windsor ? Probablement pas, mais il tient toujours à ce que ses enfants profitent de la belle vie en Occident avec l'argent des Libyens. «On ne peut pas s'être avancé autant et maintenant ne rien faire». Vous ne devinerez jamais de qui elle est cette phrase tellement l'homme s'est fait muet depuis son débarquement du Quai d'Orsay. Il s'agit bel et bien de Bernard Kouchner, le chantre de l'interventionnisme humanitaire. Parce que l'Europe savait qu'elle avait affaire à des dictatures et parce qu'elle a fait preuve de lenteurs coupables envers les révoltes arabes qu'il est temps pour elle de se rattraper. En Libye, évidemment. Il ne pourrait y avoir actuellement meilleure contrée pour une intervention par les airs. Non pas du seul fait que l'or noir coule à flots, mais à cause de ce bon prêteur de flanc qui, après avoir entretenu l'illusion du pouvoir, négocierait son départ avec les bons offices de ces mêmes Occidentaux.