Les forces de Mouammar Kadhafi ont bombardé hier la ville de Misrata, dernier bastion de l'opposition dans l'ouest de la Jamahiriya, alors que d'autres contingents loyalistes marchent sur Benghazi, le principal fief des anti-Kadhafi dans l'Est. L'armée régulière, qui a repris plusieurs villes côtières ces onze derniers jours, a engagé les habitants de Benghazi à déposer les armes, tout en affirmant venir y accomplir une «mission humanitaire». Pour Seïf El Islam, fils de Kadhafi, les forces régulières libyennes devraient reprendre le contrôle de tout le territoire libyen dans les prochaines 48 heures. «Les opérations militaires sont finies. Dans 48 heures, tout sera fini. Nos forces sont presque à Benghazi», a-t-il affirmé à la chaîne de télévision Euronews. La déroute semble totale du côté de l'opposition. A Misrata, troisième ville de Libye, située à 200 km à l'est de Tripoli, des combattants anti-Kadhafi se sont dits résolus à se défendre malgré leur infériorité militaire. Selon un médecin, l'hôpital de Misrata a reçu les corps de cinq personnes tuées dans les tirs d'artillerie. Il a dit avoir été informé qu'il y avait d'autres morts. L'assaut lancé sur Misrata coïncide avec une avancée rapide des forces de Kadhafi vers l'est du pays et Benghazi. Dans un communiqué diffusé à la télévision nationale, les forces armées qualifient cette offensive d'opération humanitaire destinée à sauver la population de «Benghazi la bien-aimée», en assurant que les soldats n'exerceront pas de représailles sur ceux qui se rendraient. «Recommandez à vos fils dupés de remettre leurs armes aux forces armées (...) et ils seront protégés par une amnistie requise par le commandant (Kadhafi)», a dit le communiqué. Dans Benghazi, siège du Conseil national de transition, une atmosphère de nervosité et de défiance prévaut. Certains augurent d'un bain de sang alors que d'autres font confiance aux combattants pour tenir en échec l'offensive gouvernementale. Des habitants de la ville ont affirmé avoir trouvé dans les rues des tracts leur enjoignant d'abandonner la lutte contre Kadhafi pour éviter des mesures de rétorsion. Ces tracts accusent les rebelles de se faire manipuler par Al Qaïda et de se livrer à la drogue, allégations rituellement formulées par le gouvernement de Kadhafi depuis le début du soulèvement. Un nombre croissant de Libyens franchissent la frontière égyptienne pour échapper aux troupes de Kadhafi, a indiqué le Haut commissariat de l'Onu pour les réfugiés (HCR). Enfin, un projet de résolution sur l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne en Libye a été mis en circulation mardi soir au Conseil de sécurité de l'Onu, où certains pays, dont l'Allemagne, ont toutefois exprimé des réserves. Le texte, qui répond à une demande formulée samedi par la Ligue arabe, a été distribué par les représentants britannique et libanais lors d'une réunion à huis clos. Dans un discours télévisé, le numéro un libyen a fustigé les pays soutenant l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de son pays, en exhortant les Libyens à se préparer à une éventuelle invasion occidentale. Les efforts diplomatiques afin d'empêcher Mouammar Kadhafi d'anéantir l'opposition ont buté sur un mur, les chefs de la diplomatie du G8 n'ayant pu tomber d'accord sur la mise en place d'un embargo aérien dans le ciel de Libye. Le ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, a estimé cependant qu'il n'est «pas encore trop tard» pour intervenir en Libye. «Il faut se donner les moyens d'aider efficacement ceux qui ont pris les armes contre (la) dictature» de Kadhafi, écrit-il dans un billet publié hier sur son blog.