Partisans et adversaires du président Ali Abdallah Saleh se sont mobilisés massivement hier à Sanaa où les forces de sécurité et l'armée ont déployé un dispositif sans précédent de crainte d'affrontements entre groupes rivaux. «Le peuple veut Ali Abdallah Saleh», «Par nos âmes et par notre sang, nous nous sacrifions pour le président», ont scandé les partisans du régime, harangués par l'imam de la prière hebdomadaire du vendredi. «Ces millions de Yéménites qui ont afflué de toutes les provinces disent oui au président Saleh», a lancé l'imam, accusant l'opposition de chercher à entraîner le pays «dans la sédition, l'effusion de sang et la guerre civile». La tension était vive dans la capitale où les forces de sécurité et l'armée ont multiplié les points de contrôle sur les différents axes routiers menant aux lieux de rassemblement des manifestants, divisant la capitale en deux parties : le nord dominé par l'opposition et le sud par le régime. Autour de la place du Changement, près de l'université de Sanaa où campent depuis plus d'un mois les jeunes protestataires réclamant le départ du président Saleh, l'armée, dont des officiers ont rallié le mouvement de contestation, a établi des barrages de contrôle aux points d'accès de la place. Arborant des portraits de M. Saleh et scandant des slogans à sa gloire, ses partisans avaient afflué à Sanaa dans des convois de voitures en provenance de plusieurs provinces du Yémen, selon des images de la télévision d'Etat. La journée de vendredi a été baptisée celle «du Salut» par les protestataires et «de la Fraternité» par les loyalistes. Mais une explosion de violence est redoutée dans la capitale où se font face des unités rivales de l'armée, partiellement ralliée aux protestataires, et de la Garde républicaine, commandée par le fils du chef de l'Etat, Ahmad. Les protestataires ont élargi vendredi leur sit-in aux rues autour de la place du Changement mais ont abandonné leur projet initial de marcher sur le palais présidentiel de crainte de violences. «Nous ne voulons pas d'affrontements avec les partisans du président, beaucoup de ceux (mobilisés par le régime) sont des militaires en civil et des hommes de tribus armés», a déclaré l'un des meneurs du mouvement de contestation. La Grande-Bretagne a d'ailleurs exhorté jeudi ses ressortissants à quitter immédiatement le Yémen où la situation «se détériore rapidement», le Foreign Office notant dans ses «conseils aux voyageurs» que les manifestations d'hier risquaient de dégénérer en affrontements violents. Pour sa part, le ministère russe des Affaires étrangères recommande aux citoyens russes de quitter le Yémen, a annoncé le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch. Pour ce qui est des parties en conflit et face à une contestation qui ne faiblit pas, le président Saleh a fait de nouvelles concessions, proposant de demeurer à son poste jusqu'à la prochaine élection prévue en 2013 tout en transférant ses pouvoirs à un gouvernement de transition. Pour l'opposition, le chef de l'Etat cherche un moyen de protéger les futures activités politiques des membres de sa famille et d'obtenir la garantie qu'ils ne seront pas poursuivis pour des faits de corruption. La «Révolution de la Jeunesse» a fait savoir qu'elle souhaitait que les membres du clan Saleh soient traduits en justice. Un haut diplomate occidental a estimé que le président Saleh enchaînait les déclarations contradictoires, laissant un jour entendre qu'il était prêt à quitter le pouvoir et un autre qu'il entendait mener son mandat à terme.