Les gardes communaux sont revenus hier en masse à Alger pour exprimer leur ras-le-bol d'une situation critique qui n'a que trop duré. Ils étaient quelque 3000 gardes sur un ensemble de 100 000 que compte la corporation à venir des quatre coins du pays pour la énième fois à Alger pour se faire entendre. Un dispositif impressionnant composé d'environ 3000 policiers a été mis en place hier pour empêcher les gardes communaux de tenir leur sit-in devant le siège de la présidence de la République. Le responsable du contentieux au niveau de la présidence de la République a reçu leurs représentants hier matin et lui ont remis leur plateforme de revendications. Le représentant des gardes communaux, Hakim Chaïb, a remis le document en question, et selon lui, «nous aurons la réponse aujourd'hui vers 17h (hier ndlr), c'est ce que le responsable de la présidence nous a confirmé», a souligné le porte- parole des gardes communaux. Depuis samedi soir, des centaines de gardes communaux arrivaient à la place des Martyrs à Alger-Centre en prévision du sit-in d'hier, où des centaines de leurs collègues ont rejoint le mouvement malgré les obstacles rencontrés sur les routes. «Les barrages de la Gendarmerie nationale ont arrêté des centaines parmi nos collègues et il y a même ceux à qui les gendarmes ont enlevé la tenue», a déclaré, furieux, un garde communal venu de Tizi Ouzou. Son collègue renchérit : «Le chef de détachement a menacé nos collègues de licenciement et même de prison si nous décidons de rejoindre le mouvement de protestation. Nous sommes là et advienne que pourra». Les gardes communaux sont venus en force à Alger pour réclamer leurs droits légitimes car ils se sentent lésés. «Hier, quand notre pays avait besoin de nous, on a répondu présent, et maintenant l'Etat considère que nous sommes un fardeau, c'est injuste», a lancé un garde communal de 58 ans. Les radiations ont été prononcées dans l'illégalité La situation des gardes communaux, dits «Rijal wakifoun (hommes debout)» durant les années de braise est «catastrophique». Ce corps a connu et enregistré d'énormes pertes humaines durant la période de sang connue par notre pays et ce, depuis la création de ce corps en 1994. «Nous avons perdu 36 000 gardes communaux morts pour l'Algérie, sans compter les handicapés à vie et les blessés. Sachez qu'une veuve de garde communal perçoit une pension de 4 500 DA par mois, et qu'un blessé grave perçoit une pension de 1 500 DA par mois, au moment où des terroristes roulent en 4x4 et construisent des villas. C'est de l'injustice qu'on dénonce, on veut nos droits», a vociféré un garde communal de la wilaya d'Alger. Avant d'ajouter : «Allez voir du côté de Baraki, les émirs terroristes sont protégés par l'Etat, ils étaient émirs au maquis et maintenant ils le sont en ville, devant nous». Yacine a échappé à une mort certaine ; actuellement il est sous antidépresseurs. Il raconte : «On travaille 24/24, notre mission est postée, mais on est payés pour huit heures de travail seulement ; nous n'avons pas droit au congé annuel, nous n'avons jamais perçu la prime de risque, ni celle de port d'arme ; le droit à la retraite pour des personne ayant une mission militaire est de 15 ans, or pour nous, l'Etat demande 32 ans de service, aucun blessé n'a été indemnisé ni n'a été pris en charge par les autorités, et le comble, c'est le salaire dérisoire qui est de 17 000 DA par mois. Aujourd'hui, nous disons basta, nous restons mobilisés pour le pays, mais on demande de la considération en retour». Le porte-parole du mouvement mandaté par ses pairs a souligné que «notre plateforme de revendications est constituée des points cités par notre collègue Yacine, en plus de la réintégration des gardes communaux radiés à tort et qui sont au nombre de 23 000». Le représentant des radiés des rangs des gardes communaux, Souici Raouf, a abordé le volet des radiations : «Les radiations ont été prononcées dans l'illégalité la plus totale, la plupart de nos collègues ont présenté des certificats médicaux ou des arrêts de travail dûment signés par des médecins assermentés mais ils ont été refusés, d'autres pour absentéisme, car nous n'avons pas de jours de repos». M. Souici a ajouté en illustrant avec des cas concrets : «Notre groupe a passé 83 jours au maquis, et à notre descente, nous avons demandé des journées de récupération et de repos ; mais le chef de détachement a refusé, comment peut-on tenir 83 jours au maquis et ne pas avoir de repos après ? L'absentéisme s'explique et il est logique». M. Hakim Chaïb a évoqué aussi le point relatif au travail des gardes communaux avec les forces de l'Armée nationale : au début nous étions avec la gendarmerie nationale et nous voulons rester avec eux, mais sachez que plus jamais nous ne travaillerons avec l'armée. La solution d'intégrer les gardes communaux dans ce corps est exclue». M. Chaïb a conclu en disant : «Nous étions des hommes debout hier et nous le sommes encore aujourd'hui ; rien n'a changé, nous demandons simplement nos droits légitimes». Avant de revenir sur les menaces proférées par certains délégués dont celui d'Alger que le corps dénonce et traite de «voleurs» : «nous disons, attention aux délégués de wilayas et aux chefs de détachements de prendre une quelconque mesures contre les gardes communaux ayant rejoint le mouvement, car ils ne feront qu'aggraver la situation». S'agissant des actions à mener dans l'avenir, l'un des gardes communaux affirme : «Si nos revendications ne sont pas satisfaites, nous serons 70 000 devant le siège de la présidence de la République demain et nous allons rester ici à la place des Martyrs».