Les partisans du régime syrien ont dispersé hier par la force deux manifestations en faveur de la liberté qui ont eu lieu à Soueida, bastion des druzes syriens dans le sud du pays, ont indiqué des militants et un témoin. Quelques 400 personnes qui voulaient célébrer les 65 ans d'indépendance de la Syrie, se sont rassemblées sur une place, dans la ville de Soueida. Ils portaient les photos des figures de la Révolution syrienne, ainsi que des drapeaux, a affirmé un militant des droits de l'Homme Mazen Darouiche, président du centre syrien pour la presse. "Deux manifestants ont été blessés et hospitalisé", selon M. Darouiche. Par ailleurs, dans le village proche d'al-Qraya, une délégation de quelque 150 personnes ont été empêchés de célébrer le jour de l'Indépendance comme tous les ans, a déclaré la militante Mountaha Al Atrache. Les forces de sécurité ont empêché la délégation formée de partisans du parti communiste et des notables de Soueida, de se rendre auprès du tombeau, selon la militante. Trois personnes ont été blessées et hospitalisées dont le petit-fils de Sultan Pacha Al Atrache, Hani Al Atrache qui a été violemment frappé, selon M. Darouiche. En effet, de nouveaux appels à manifester ont été lancés hier sur facebook, malgré l'annonce par le président de l'abrogation au plus tard la semaine prochaine des lois sur l'état d'urgence instaurées en 1963. Cette mesure est une des principales revendications des contestataires qui manifestent depuis un mois. Mais s'il a promis une levée de l'état d'urgence dès la semaine prochaine, le président syrien compte la remplacer par une législation antiterroriste qui ne devrait pas respecter davantage les libertés. Dans son allocution prononcée samedi, le président syrien a d'ailleurs prévenu que cette nouvelle législation ne ferait preuve d'aucune indulgence envers «les saboteurs», un engagement que l'opposition considère comme destiné à maintenir les restrictions aux libertés de réunion et d'expression. «Les Syriens sont civilisés. Ils adorent l'ordre et n'accepteront pas le chaos et le règne de la populace. Nous ne serons pas tolérants envers le sabotage», a martelé Bachar Al Assad. Outre cette promesse de lutter contre le «chaos» et le «sabotage», qui ne plaide guère pour une ouverture politique, le raïs syrien n'a fait aucune allusion précise aux exigences des dizaines de milliers de manifestants qui réclament depuis plusieurs jours la fin de la mainmise des puissants services de sécurité sur la vie quotidienne des Syriens, la libération des milliers de prisonniers politiques et la fin du monopole du parti Baath sur la vie publique. Et s'il a reconnu que la corruption était un problème en Syrie, il n'a annoncé aucune mesure visant à restreindre la domination de son clan sur la vie économique du pays. Alors même que son cousin, l'homme d'affaires Rami Makhlouf, s'est considérablement enrichi durant le règne d'Assad et symbolise aux yeux des manifestants la corruption régnant au plus haut niveau du pouvoir. Le recours à la force et aux arrestations de masse, entremêlé de promesses de réformes et de concessions aux minorités ethniques et religieuses, n'ont toutefois pas réussi jusqu'à présent à convaincre la foule grandissante des protestataires, inspirés par les révolutions qui ont chassé les autocrates tunisien Ben Ali et égyptien Moubarak. A quelques heures du discours d'Assad, des milliers de personnes ont d'ailleurs défilé dans les rues de la ville de Deraa, haut lieu de la contestation, dans le sud du pays, en scandant : «Le peuple veut la chute du régime.» S'agissant des réactions à l'étranger sur ce qui se passe en Syrie, la France, qui se dit ne pas avoir un objectif d'inciter à des changements de régime dans le monde arabe, utilisera tous les moyens à sa disposition pour faire cesser les violations des droits de l'homme, a déclaré Alain Juppé. Le ministre français des Affaires étrangères participait à un colloque sur le «printemps arabe» au Quai d'Orsay, où il s'est déclaré «extrêmement préoccupé» par la situation au Yémen et en Syrie, dont les dirigeants «tergiversent» selon lui. «Trop longtemps, nous avons pensé que les régimes autoritaires étaient les seuls remparts contre l'extrémisme dans le monde arabe. Trop longtemps, nous avons brandi le prétexte de la menace islamiste pour justifier une certaine complaisance à l'égard de gouvernements qui bafouaient la liberté et freinaient le développement de leur pays», a-t-il déclaré. «Désormais, tous les gouvernements savent qu'ils doivent laisser leurs citoyens faire entendre leur voix. Tous savent qu'on ne réprime plus impunément les aspirations légitimes d'un peuple», a-t-il ajouté lors de la clôture du colloque.