L'immersion du corps de Ben Laden continue de faire des vagues. La mésentente a fini par s'installer entre les gouvernements de Washington et d'Islamabad. Si le premier tente de comprendre comment leur ennemi juré a pu séjourner six ans sur le sol pakistanais sans que personne ne s'en aperçoive, le second n'a toujours pas gobé le fait que le commando US ait mené sa mission sans même prendre la peine de souffler mot aux autorités pakistanaises. Sans aller jusqu'à le dire clairement, l'administration d'Islamabad pense bien que son allié US ne lui fait tout simplement pas confiance. Sinon, pourquoi ne l'avoir pas mise au parfum ? Certain, cette attitude de la cachotière Amérique n'allait pas rester sans conséquences néfastes pour la République islamique du Pakistan. C'est fait, les représailles contre la mort du chef d'Al Qaïda ont déjà commencé. Les talibans pakistanais ont revendiqué le bain de sang qui a fait au moins 80 morts. Le grand perdant ? Evidemment, les autorités de ce pays allié dans la lutte internationale contre le terrorisme parce qu'elles sont en première ligne de front, confrontées directement à ce mal du XXIe siècle, comme aime à le préciser le Président russe Dmitri Medvedev. Cependant, pas question pour le locataire du Kremlin de condamner contre la liquidation de Ben Laden que son homologue pakistanais a cru obtenir lors de son récent voyage à Moscou. Il est rentré sans l'appui qu'il est venu chercher, les autorités russes espèrent que la mort de Ben Laden va au moins saper le moral des djihadistes dans le Caucase. Pour une fois que la Fédération de Russie est d'accord avec les Etats-Unis… Même sans le soutien franc du président Medvedev, le gouvernement d'Islamabad ne semble pas près de passer l'éponge. Le général Khalid Shameem Wynne, considéré comme le numéro 2 de l'armée pakistanaise, a annulé une visite prévue aux Etats-Unis, en raison du contexte actuel que vivent les relations pakistano-américaines post-mortem du chef de la nébuleuse. Obama qui demande des explications sur la présence prolongée de Ben Laden au Pakistan n'était pas sans arrière-pensées. Il ne lui aurait manqué que d'accuser son allié de complicité, les services de renseignement pakistanais n'auraient pas pu être incompétents durant les six années que Ben Laden a passées dans la richissime banlieue d'Islamabad. Désormais, l'amour entre le Pakistan et les Etats-Unis va continuer d'être en souffrance. L'un ou l'autre ira-t-il jusqu'à demander le divorce ? Aucune chance, personne n'a intérêt à rompre. Ni le gouvernement de Washington qui ne se fait pas d'illusion sur la fin de la guerre en Afghanistan sans l'étroite collaboration du voisin pakistanais. Mieux encore, le renforcement de sa présence chez son allié pourrait bien se faire grâce à l'actuel gouvernement. Quant à la République islamique du Pakistan, elle a tout à y gagner. Le plan quinquennal d'assistance de 7,5 milliards de dollars sera bel et bien maintenu, les ténors républicains l'ont approuvé, derrière le président de la Chambre des représentants John Boehner et le sénateur John McCain. L'annulation du voyage du numéro 2 de l'armée pakistanaise aux USA refléterait-elle une décision unilatérale émanant de cette institution et à laquelle le gouvernement d'Islamabad n'aurait pas été associé ? Rien n'a encore filtré à ce sujet. Ce qui est certain, les présents remous vont avoir tendance à se calmer malgré les actes de vengeance qui pourraient s'abattre sur le Pakistan de l'après- mort de Ben Laden. Puisqu'il est peu probable que les djihadistes mondiaux parviennent à réitérer un nouveau 11 septembre, les Américains, en particulier, et les Occidentaux, en général, n'ont pas attendu le soir de la mort de l'ex-numéro 1 d'Al Qaïda pour se «bunkeriser».