Ayant préparé l'opération dans le secret absolu, Washington assure que les autorités pakistanaises n'ont pas été averties du raid, par crainte de possibles «fuites». Le Premier ministre du Pakistan devait s'expliquer, hier, devant le Parlement sur le raid américain qui a tué Oussama Ben Laden, le président Barack Obama exigeant de son côté une enquête sur les soutiens présumés au chef d'Al Qaîda dans ce pays. Yousuf Raza Gilani doit s'adresser en début de soirée (hier) à l'Assemblée nationale pour «se confier à la Nation» sur l'opération nocturne du commando héliporté américain qui a tué il y a une semaine le chef d'Al-Qaîda dans la ville-garnison d'Abbottabad, à deux heures de route au nord d'Islamabad. Washington assure que les autorités pakistanaises n'ont pas été averties du raid, par crainte de possibles «fuites». Les plus hauts responsables américains soupçonnent ouvertement des «complicités» au sein de la toute puissante armée et son service de renseignement, pour expliquer la présence pendant plusieurs années de Ben Laden dans une ville truffée de militaires. Dans un entretien à la chaîne de télévision CBS dimanche, le président américain a demandé à Islamabad de diligenter une enquête sur le «réseau de soutiens» dont aurait bénéficié Ben Laden au Pakistan. «Nous pensons qu'il a bénéficié d'un réseau de soutiens quel qu'il soit à l'intérieur du Pakistan», a dit Barack Obama, «mais nous ne savons pas lequel». «Nous devons enquêter là-dessus et, surtout, le Pakistan doit enquêter», a-t-il ajouté. L'ambassadeur du Pakistan aux Etats-Unis, Hussain Haqqani, a promis que des têtes allaient tomber parmi les hauts responsables pakistanais. Le conseiller d'Obama pour la sécurité nationale, Tom Donilon, a également demandé au Pakistan d'ouvrir une enquête, tout en cherchant à calmer le jeu entre Washington et Islamabad: «Nous n'avons aucune preuve que le gouvernement d'Islamabad était au courant» du lieu où se cachait Ben Laden, a-t-il dit dimanche. M.Donilon a demandé en outre à Islamabad de transmettre aux Etats-Unis les renseignements trouvés par les autorités pakistanaises dans la résidence et de leur donner accès aux trois femmes du chef d'Al Qaîda désormais en détention, afin de les interroger. Au Pakistan même, l'opposition considère que le président Asif Ali Zardari et le Premier ministre Yousuf Raza Gilani doivent s'expliquer sur le fait qu'un commando américain ait pu pénétrer sur le territoire national, ou bien démissionner. Revenant sur l'opération «Geronimo - son nom de code, Barack Obama a volontiers reconnu avoir été nerveux. «Cela a été les 40 minutes les plus longues de ma vie (...)», a-t-il dit, en relevant qu'un échec d'une telle opération menée dans un pays allié sans en avoir informé ses autorités aurait pu avoir des «conséquences significatives». «Nous ne pouvions pas dire avec certitude que Ben Laden était là-bas», a-t-il ajouté, en assurant avoir pris sa décision finale le jeudi, soit trois jours avant le raid du 2 mai. Malgré l'élimination de l'instigateur des attentats du 11-Septembre, M.Donilon a reconnu que les Etats-Unis «ne peuvent pas déclarer qu'Al Qaîda a été vaincue stratégiquement» et a souligné que le réseau extrémiste restait «une menace pour les Etats-Unis». Le président Obama a lui-même assuré que les informations contenues dans des ordinateurs saisis au domicile de Ben Laden pouvaient «nous mener à d'autres terroristes que nous recherchons depuis longtemps». «Cela ne signifie pas que nous allons vaincre le terrorisme», a souligné le président américain avant d'ajouter: «mais cela signifie que nous avons une chance, je pense, de porter le coup de grâce» à Al Qaîda.