La mort d'Oussama Ben Laden a ouvert la voie à la succession à la tête de l'organisation terroriste la plus féroce de tous les temps. Le moment est aussi à la nouvelle stratégie que se proposent de définir les successeurs du leader d'Al Qaïda dont le mieux placé serait le bras droit de Ben Laden, l'Egyptien Imad Zaaouhiri. Le futur leader s'emploiera certainement à combler le vide laissé par le charismatique Oussama Ben Laden en planifiant les actions terroristes les plus spectaculaires pour soigner sa légitimité. A en croire les responsables du Département d'Etat américain qui affirment avoir mis la main sur de précieux documents à la suite de l'opération commando en territoire pakistanais, tous les postulants sont d'accord pour intensifier le «djihad». Certains privilégieraient la cible américaine, d'autres des pays où Al Qaïda dispose déjà de bases. L'Algérie figurerait ainsi dans cette dernière liste. Apparemment, il n'y a rien de surprenant dans le choix de l'Algérie parmi la priorité des priorités des objectifs fixés par le terrorisme. Aqmi, la branche maghrébine de cette organisation terroriste internationale, a de «bonnes raisons» de cibler le maillon fort de la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel et du Maghreb. Voilà deux décennies que la multitude de groupes terroristes qui ont fait allégeance à Ben Laden a tenté d'y établir sa principale base «afghane», en face de l'Europe. Au résultat final, au prix du sacrifice que l'on sait, ces groupes ont soit levé le drapeau blanc, soit ont été éliminés jusqu'au dernier. C'est le cas de l'AIS et celui des GIA. Ce qui restait du GSPC a dû en grande partie trouver refuge dans le Sahel sous les coups des forces de sécurité algériennes. Le vieux rêve terroriste Il semble logique que Abdelhamid Abou Zeid et Mokhtar Benmokhtar, les deux principaux chefs d'Aqmi, ne perdent pas l'espoir de concrétiser le vieux rêve du terrorisme islamiste en Méditerranée – objectif insurmontable – de se positionner dans le nord de l'Algérie. Ce choix primerait donc sur la poursuite des actions terroristes ponctuelles même les plus spectaculaires qui seront sans effet en matière de géostratégie. Aqmi est au Sahel, mais cette région de 42 millions de km2 désertique remplit une fonction de transit et de repli. La situation d'instabilité du Maghreb sur fond de bombardements intensifs en Libye favorise le vieux projet d'Al Qaïda, ce pays maghrébin étant devenu la plaque tournante du trafic d'armes vers l'Algérie via le Sahel. C'est tout le combat que la diplomatie algérienne mène au plan international avant que le tapis ne soit totalement déroulé en Libye sous les pieds des salafistes qui ont un vieux compte à régler avec l'Algérie. Le théorème et son corollaire Cibler en priorité l'Algérie, c'est s'attaquer au front le plus avancé au monde contre Al Qaïda. Le théorème d'Aqmi est le suivant : «Neutraliser l'Algérie, c'est contrôler toute la partie du nord de l'Afrique qui fait face à l'Europe». Sa réciproque est évidente : «Perdre l'Algérie, c'est perdre toutes les positions acquises au Maghreb et au Sahel». Tous les experts de la lutte antiterroriste font aujourd'hui ce constat. «Parce que le terrorisme islamiste fondamentaliste n'a pas pu s'implanter durablement en Algérie, des pays voisins comme le Maroc, la Tunisie ou l'Egypte, moins expérimentés dans le domaine de la lutte antiterroriste, n'ont jamais représenté que des cibles occasionnelles pour le terrorisme». Les attentats peu fréquents et isolés de Louxor, de Djerba, de Casablanca ou de Marrakech sont l'argument de base de ce raisonnement. «S'attaquer au maillon fort !» Les terroristes ont choisi la stratégie inverse de la théorie des guérillas marxistes. Ben Laden a ciblé la première puissance mondiale. Ses successeurs veulent cibler la puissance régionale dans le Sahel-Maghreb. Les alliés qui poursuivent des objectifs incertains en Libye ne l'ont pas compris.