C'est une magnifique exposition du célèbre artiste peintre Mohamed Khadda dont le vernissage a eu lieu la semaine passée au Musée national d'art moderne et contemporain. Cette exposition hommage a été initiée par le ministère de la Culture en collaboration avec la direction du Mama et de Mme Naget Khadda à l'occasion de la 20 e commémoration de la disparition de cet artiste consacré. C'est un florilège de 150 tableaux que l'on retrouve répartis à travers les cimaises des trois niveaux de ce musée. Mohamed Khadda plasticien prolifique initiateur de l'école du signe décline à travers son œuvre un aperçu de son indéniable talent. Ces tableaux dans le registre peinture à l'huile et aquarelles proviennent pour la plupart de collections de musées (Musée national des beaux-arts d'Alger, musée national Ahmed Zabana d'Oran, etc. ), et de collections personnelles. Cette profusion de signes de paysages nous introduit dans une Algérie en quête de son identité ; l'artiste semble lesté par cet enracinement à son pays et à ses sites pittoresques. L'olivier, cet arbre mythique, inspire Khadda avec une charge hautement symbolique. Ces peintures à l'huile à grands formats ou petits racontent cette recherche identitaire et culturelle. Dans toute son œuvre, il exhume des référents culturels. A travers un pinceau empreint de dextérité, le signe batifole et flâne au gré des humeurs de l'artiste qui en fait le point nodal de son œuvre. Dans ses aquarelles, Khadda se sublime. Il conte sa saga avec la vie, ses préoccupations, ses angoisses et ses espoirs selon Nadget Khadda. Sublimes et succulentes, ces aquarelles discourent sur Khadda au summum de son art. Les couleurs bleu, ocre, beige, rose, orange, gris sont un enchantement pour l'œil. Comme une poésie, elles disent le chant profond de la terre. Générosité et chaleur Les titres très suggestifs, comme Zénith, Rumeur du port et Aux sources du sel font dire à la critique d'art Malika Dorbani Bouabdellah : «Ce sont des aquarelles qui révèlent la grande tendresse de Khadda. La terre pénètre jusque dans la matière, la dilate, la dématérialise sans toutefois la désensibiliser ; le corail, l'ambre, la turquoise, l'émeraude, dynamiques, elles vont de l'outrance au dépouillement, de la tension à la sérénité de l'équilibre, au déséquilibre, de la symétrie à la dyssémétrie, de la concentration au relâchement.» Pour sa part, le poète Malek Alloula exprime l'univers de Khadda à travers ses propos : «On pénètre dans le monde de Khadda non pas par effraction, mais par un brusque arrachement qui transmue toutes les valeurs acquises ou héritées qui invitent sans cesse à un réajustement de la perception ; d'une toile à une autre, on perçoit chez lui une exigence lucide qui est en même temps celle d'un peintre et d'un poète.» Khadda peintre consacré a su garder dans son œuvre cette part de générosité, de chaleur et d'altruisme propre aux gens de cet pays. Coloriste, il a reproduit à travers des chromatiques cette luminosité et cette exubérance. Sa palette colorée et ses signes resteront accolés au nom de cet artiste émérite. Cette exposition riche et intéressante mérite un grand détour.