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«Deux générations d'étudiants :celle d'un sacrifice pour une libération et celle d'un sacrifice pour un développement» Commémoration à Marseille du 19 mai 1956 (Journée de l'étudiant)
Résumé : Pour commémorer la journée de l'étudiant algérien suite à la grève générale des étudiants organisée par l'Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema) le 19 mai 1956, l'Union des universitaires algériens et franco-algériens (Ufac) a organisé une conférence-débat : «Deux générations d'étudiants : celle d'un sacrifice pour une libération à celle d'un sacrifice pour un développement», samedi 21 mai 2011 à 14h30 au CRDP, boulevard d'Athènes 13001 Marseille, avec la participation de Ali Haroun (docteur en droit, avocat - Cour suprême d'Alger, auteur de plusieurs livres et ancien ministre) ; Lahouari Mouffok (ancien président de l'Union générale des étudiants musulmans algériens – Ugema, devenue Unea en 1965, et auteur d'un livre, Parcours d'un étudiant algérien : de l'Ugema à l'Unea, paru aux éditions Bouchène, Paris 1999) ; Kamel Sanhadji (directeur de recherches à Lyon, spécialiste du sida, professeur des universités, conseiller délégué aux hôpitaux auprès du maire de Lyon et chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur, en date du 14 juillet 2006, par le président Chirac) ; Noreddine Mezalla (journaliste éditorialiste du Jeune Indépendant) et Djamel Ramtani (psychosociologue) comme modérateur. Le Centre régional de la documentation de Marseille a été, samedi 21 mai, le point de rencontre d'une conférence-débat pour célébrer la journée de l'étudiant algérien, en commémoration du 19 mai 1956, date de la grève et de la manifestation estudiantines. Cette rencontre, à laquelle ont été conviés Me Ali Haroun, ancien ministre des droits de l'homme, Lahouari Mouffok, militant à l'Ugema et président au lendemain de l'indépendance de l'Unea qui a succédé en 1963 à l'Ugema, l'éminent professeur Kamel Sanhadji, directeur de recherche sur le sida, et Noreddine Mezalla, éditorialiste au journal Le Jeune Indépendant, a été organisée par l'Union des universitaires algériens et franco-algériens (Ufac). En ouverture de cette conférence, le président de l'Ufac, Dr Abdelkader Haddouche, a, après avoir remercié les conférenciers et l'assistance, parlé sur le thème de cette rencontre en rappelant les grandes lignes et autres dates ayant marqué cet événement, martelant sur le sacrifice intergénérationnel consenti pour le bien-fondé d'une Algérie libre et indépendante, d'où le choix de deux époques avec leurs références historiques (ante-indépendance, génération du sacrifice pour la libération du pays et postindépendance, pour le sacrifice de «soi» pour le développement, l'évolution et l'éveil intellectuel pour une Algérie moderne et instruite), deux étapes qui requièrent une volonté commune de promouvoir le mouvement estudiantin et lui donner toute son importance dans les différents processus de l'édification du pays. Le psychosociologue Djamel Ramtani, vice-président de l'Ufac, modérateur du débat, a, pour sa part, fait lecture de l'appel de l'Ugema en énumérant la liste des noms des personnes qui furent impliquées et concernées par cet important événement avant de passer la parole à Me Ali Haroun, témoin de cette épopée estudiantine, qui a jugé bon d'avancer quelques statistiques, se référant au tout début de la présence des étudiants algériens en France qui ont suivi les ouvriers arrivés plus tôt. En 1925, dira-t-il, 125 étudiants étaient répartis entre les universités françaises et l'université d'Alger. Dix ans plus tard, le nombre a presque doublé (300). En 1950, un millier d'étudiants est recensé pour voir ce nombre atteindre 1974 universitaires dont 600 sur Alger. La progression du nombre des universitaires dénote, pour l'orateur, l'intérêt et l'engagement assez particulier pour l'acquisition du savoir et donc pour pouvoir poursuivre des études supérieures malgré les nombreux écueils qui se dressaient devant eux durant la période coloniale. L'intervenant a, par la suite, relaté la genèse du mouvement estudiantin en s'appuyant sur l'activisme de sa composante et ceci en étayant son analyse par des chiffres. Tout d'abord, il est revenu sur la création de l'association des étudiants de l'Afrique du Nord (1955) et de son implication future, d'où la tenue d'une réunion en avril de la même année, à Paris, sous la présidence de Djamel Haddad. De cette réunion, rappelle l'orateur, deux sigles ont fait l'objet du débat, l'Ugea et l'Ugema. Ce dernier a été finalement retenu avec pour prérogatives la défense des intérêts des étudiants algériens et surtout leur implication dans la lutte d'indépendance du peuple algérien. L'élan du mouvement du 19 mai s'est vu s'étendre aux collégiens et aux lycéens, d'où la portée du fort message politique. S'en est suivi la dissolution, après la levée de la grève, de l'Ugema qui fut suppléée par la Fédération de France. Cette dernière, dans un souci de donner une assise stable à l'organisation, s'est dotée d'un organique en se structurant en cellules. En trois ans, a-t-il fait remarquer, il est constaté que des chefs de Wilaya et de zone étaient des étudiants, au même titre que les ouvriers, en citant au passage le cas de Nasreddine Aït Mokhtar, un étudiant très actif de la fédération mais qui est malheureusement mort dans l'anonymat. Un oubli de l'histoire, considéré comme une injustice, annonce, non sans émotion, avec tristesse et la gorge nouée, le conférencier. Tel un passage de témoin intergénérationnel, le professeur Kamel Sanhadji s'est attelé sur la période postindépendance en mettant en valeur l'augmentation de la fréquentation des bancs d'universités avec des chiffres assez significatifs. En 1962, précisait-il, 2275 étaient recensées pour voir la fourchette atteindre 221 000 étudiants en 1990 pour finalement avoisiner, de nos jours, plus d'un million d'inscrits (1 200 000). Cette avancée des chiffres est le révélateur d'une démocratisation du système éducatif algérien, avec toute l'étendue qu'on lui connaît, avec une augmentation exponentielle de la création de nombreuses grandes écoles (5 écoles normales supérieures, 10 écoles préparatoires et 63 établissements universitaires). Si le conférencier a encensé les bonnes statistiques en matière d'infrastructures et de taux de fréquentation du palier supérieur, il a, a contrario, déploré la régression du niveau général en dressant un parallèle avec la renommée de l'université d'Alger en 1962, classée alors seconde faculté de France après Paris. Le professeur Sanhadji s'est dit atterré, entre autres, par la baisse d'ouvrages et de publications de recherche scientifique, bien en recul par rapport à d'autres pays émergents. Pour l'intervenant, au regard des moyens alloués au système éducatif (26% du budget global est consacré à l'Education nationale), il est anormal, voire incompréhensible qu'un enseignement médiocre soit dispensé à nos enfants. Sur ce sombre tableau de la faiblesse du niveau de l'enseignement qui, de nos jours, est un secret de Polichinelle, le chercheur sur le sida estime qu'il est impératif d'apporter des correctifs en améliorant le niveau de l'école en général et de l'enseignement supérieur en particulier. Lui succédant, Lahouari Mouffok a pris la parole pour dresser un tableau exhaustif de l'historique du mouvement estudiantin ante-indépendance, en remontant dans le temps, pour préciser que durant la période 1880-1915, l'Algérie a compté 307 diplômés de l'enseignement supérieur, un chiffre assez éloquent au regard de la situation de notre pays à cette époque. L'intervenant, auteur d'un livre sur son parcours personnel en sa qualité d'étudiant, a insisté sur l'aspect discriminatoire, du temps de l'occupation, pour l'accès des Algériens au cursus universitaire. A titre d'exemple, il cite une des conditions drastiques alors en vigueur, à savoir le parrainage d'un étudiant algérien par trois étudiants français pour être accepté dans une fédération estudiantine française. Cette situation délictueuse a poussé à la création de l'Association des étudiants nord-africains. Il a, par ailleurs, insisté sur le rôle dévolu aux étudiants algériens aussi bien au maquis que dans les cités et autres villes, dans le combat et la lutte menée pour accéder à l'indépendance de l'Algérie. Les grandes dates furent, bien sûr, citées, à l'image du 8 mai 1945 et d'autres événements aussi marquants les uns que les autres. Au même titre que les autres conférenciers, le benjamin des intervenants, le journaliste Noreddine Mezalla, a tenu à remercier l'Ufac pour l'initiative et l'organisation de cette conférence-débat, référence d'une volonté de cette association d'universitaires de vouloir aller de l'avant et ne point occulter l'histoire de par l'implication dans le fil rouge des étapes de la grande histoire de l'Algérie. L'éditorialiste a jugé que le diagnostic dressé par le Pr Sanhadji est pessimiste. De l'avis de cet homme des médias, il existe encore un potentiel, tant les universités nationales continuent à former et à mettre sur les différents marchés du savoir-faire des cadres d'horizons divers. Cependant, il reconnaît que les étudiants algériens sont demandeurs d'une meilleure qualité de l'enseignement : un objectif tout à fait réalisable si l'Algérie s'attelle à revenir à un système d'élite en faisant sauter nombre de verrous à l'origine de cette stagnation, voire cette régression du niveau général au sein de l'éducation. «Notre croyance et notre foi en nos qualités substantielles sont un gage pour les universités étrangères et particulièrement françaises qui encouragent l'arrivée de nouveaux étudiants nationaux», renchérit l'orateur. Les points de vue diamétralement opposés du Pr Sanhadji et de l'éditorialiste Mezzala ont donné le feu vert à un débat riche et contradictoire d'un public curieux et très instigateur pour étayer les questions non abordées ou non élucidées par les différents intervenants. Le face-à-face assistance-conférencier a permis de véritables échanges constructifs et surtout porteurs de fructueux enseignements. Le modérateur a, en guise de clôture de cette conférence-débat, tenu à remercier au nom de tous les membres de l'Ufac le corps consulaire algérien présent dans la salle et représenté par MM. Zerkani et Saïdani, respectivement consul général adjoint et vice-consul du consulat général d'Algérie à Marseille, et Mostefa Zeroual, député à l'APN, représentant de la communauté algérienne en France (zone II) ainsi que toute l'assistance. S'en est suivi une collation qui a permis de nombreux échanges en aparté entre les intervenants et le public. Président de l'Ufac.