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Des liens familiaux faussés dans une société dévoyée
Un parfum d'absinthe, de Hamid Grine
Publié dans Le Temps d'Algérie le 11 - 06 - 2011

Un parfum d'absinthe, paru aux éditions Alpha, est le nouveau roman de Hamid Grine qui signe et persiste. Il en est à son quinzième ouvrage dont six romans. Ce livre dans l'air du temps est un concentré de fine observation et de réflexions. Auteur fécond, Hamid, dont la verve ne tarit pas, nous livre une saga où il est un parfait témoin de la société.
Un parfum d'absinthe narre la vie de Nabil et Warda, un couple de professeurs de lycée qui vit simplement et modestement dans un appartement dans une cité d'Alger avec deux ados. Lors du décès de son père, Nabil, suite à la révélation de son cupide oncle Messaoud sur sa paternité, entreprend l'esprit troublé des recherches sur son identité. Supposé être le fils de Camus, il retourne sur les pas de ce dernier dans le quartier de Belcourt et à Tipasa où Camus a vécu.
De ses investigations, il découvre le vrai visage de ce paternel qu'il a honni toute sa vie en raison des maltraitances et des brimades infligées à sa mère. Ce père tant détesté est en fait un vrai moudjahid qui, par sa vaillance et sa bravoure, a pu sauver ses compagnons de maquis enrôlés pour le même idéal de liberté et de justice. Cette vérité sur son père réhabilitera son image tout en ternissant celle de l'oncle qui a menti pour les besoins de l'héritage.
Dans Un parfum d'absinthe, Hamid raconte la société fracturée, les faillites sociales et le bouleversement des valeurs. Il fait un parallèle sur les algériens d'hier et d'aujourd'hui, ce qui fait dire cette diatribe à son héros principal : «cette peur ne me quitte jamais. D'ailleurs tous les algériens d'avant ‘'l'Algiraie'' ont peur : de Dieu, du colonialisme, du terrorisme, du pouvoir, du malheur, de blesser leur prochain, de manquer de pain… ou peur tout simplement que leur bonheur – ou ce qui en tient lieu – ne dure pas.
Nous vivons dans la peur. Aujourd'hui, les enfants de ‘'l'Algiraie'' n'ont peur de rien. Ils ont toutes les audaces. C'est peut-être ce qu'on appelle l'énergie du désespoir.» Dans cette narration se greffe en filigrane l'histoire du pays et celle d'un amour contrarié.
Une écriture fluide et aérée
Cette famille est en proie à ses démons du passé venus hanter le fils qui cherche sa descendance, et en extrapolant c'est la quête identitaire et les repères culturels de tout algérien. L'auteur explore cette famille avec ses fêlures, ses incertitudes et les errances contemporaines de notre société avec un judicieux sourire.
Il manipule ses personnages dans une vision considérablement grave et plus radicalement décalée de notre pauvre nature humaine. Ces héros souvent âpres sont loin d'être has been, toujours d'actualité, rondement conduits par l'auteur qui nous renvoie notre miroir social.
Le narrateur dévoile un pan de l'histoire de ce pays et les «drôlatiques» pensées de tout hère. Il décrit le climat de nos âmes, les tourbillons de nos doutes et bouscule nos cœurs. D'une écriture fluide et aérée, qui emprunte souvent les chemins du cœur, l'écrivain, par la pertinence de son jugement, offre une fresque sociale. Par la musicalité des mots, il donne une densité peu commune à son roman.
Ce roman fleure bon l'Algérie avec ses craintes, inquiétudes et espoirs. Il est subtil, délicat, tendre et violent comme une tranche de vie. C'est un petit bijou de fine observation, d'analyse et une belle réflexion sur l'art de décrire la société. A lire expressément !


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