Six mois après la chute du régime du dictateur Ben Ali, l'économie tunisienne éprouve d'énormes difficultés pour se relancer. Contrairement à l'Algérie, la Tunisie n'a pas de ressources provenant de l'exportation pétrolière et de matières premières. L'économie est basée essentiellement sur le tourisme et les activités industrielles de sous-traitance. Les salaires sont trop bas et les travailleurs tunisiens ne jouissent pas de tous les droits socio-professionnels comme ceux de l'Algérie. Ajoutons à cela l'incertitude politique qui règne sur le pays avec des risques de dérapage étant donné le manque d'expérience dans l'exercice de la démocratie. La Tunisie a vécu le même système politique depuis son indépendance, en 1956, jusqu'au renversement du régime de Ben Ali, en janvier 2011. La relance de l'économie reste une bataille importante au même titre que la consécration de la démocratie En effet, l'économie du pays voisin est plongée pendant plusieurs mois dans une forte récession. Selon les autorités tunisiennes, l'économie semble se remettre progressivement de l'état quasi-comateux dans lequel elle a sombré depuis la mi-décembre en raison des troubles vécus par le peuple tunisien durant l'année 2011. "L'économie nationale a dépassé la phase dangereuse", s'est félicité le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Mustapha Kamel Nabli, venderdi dernier lors d'une conférence de presse. Cet ancien haut cadre de la Banque mondiale a voulu, à travers ses déclarations positives, susciter de l'espoir quant à l'avenir de la Tunisie, surtout en cette période caractérisée par de fortes tensions sociales et sécuritaires. Il faut reconnaître que de nombreux secteurs d'activité demeurent paralysés par l'insécurité et les mouvements sociaux. Les dégâts occasionnés à l'économie se chiffrent, selon des sources officielles, à plus de 5 milliards de dinars (plus de 2,5 milliards d'euros). La Tunisie souffre d'un endettement extérieur avec un montant de plus de 20 milliards de dollars, faisant du peuple tunisien l'un des plus endettés dans le monde arabe à l'instar du peuple égyptien. Un des piliers de l'économie, le tourisme, qui contribue à hauteur de 6,5% au PIB et emploie quelque 400 000 personnes, se trouve laminé avec une chute de plus de 50% des entrées et des recettes. L'instabilité politique et la guerre civile en Libye ont fait fuir les touristes maghrébins et européens. Malgré l'optimiste affiché par le patron de la Banque centrale tunisienne, la situation de l'économie tunisienne est précaire du fait de sa totale dépendance avec le monde extérieur. Le taux de croissance officiel est de -3,3% au premier semestre 2011. Pour atténuer l'impact de la récession et favoriser la relance de l'activité, la BCT a injecté trois milliards de dinars (environ 1,5 milliard d'euros) dans le secteur bancaire, afin de permettre de couvrir les crédits non remboursés et d'octroyer de nouveaux crédits. Des opérateurs économiques ont cependant déploré le retard enregistré pour l'indemnisation des entreprises victimes d'actes de pillage et d'incendies. Des investisseurs tunisiens et étrangers ont quitté le pays à cause de la dérive sécuritaire. Le soutien promis lors du récent sommet du G8 à Deauville (40 milliards de dollars à la Tunisie et à l'Egypte) tarde à venir. Certains spécialistes des questions internationales doutent de la "sincérités des pays du G8 et estiment que les pays développés attendent d'abord la configuration politique de la Tunisie pour décider. En cas de victoire des partis dits islamistes lors des élections prévues en octobre, les pays du G8 risquent de reconsidérer leurs politiques étrangères en vers ce pays voisin, d'où les campagnes de dénigrement menées actuellement par certains courants politiques contre les partis s'inspirant de l'Islam comme projet de société, ajoutent les analystes. Le climat d'investissement a régressé considérablement ces derniers mois au vu du manque de visibilité et de l'instabilité sociale et sécuritaire, conjugué à la guerre en Libye. Du temps de l'ancien régime, il y avait plus de 20 000 entreprises françaises, sans compter les autres pays. Les entrepreneurs étrangers avaient bénéficié de toutes les garanties, notamment une main-d'œuvre sous-payée et sans couverture sociale, de manière à produire moins cher et à exporter vers le marché européen et méditerranéen. Avec le mouvement révolutionnaire, les Tunisiens veulent reconquérir leur dignité confisquée par l'ancien régime dictatorial soutenu par les pays de l'Occident. La situation du secteur privé est alarmante. Plus de 700 000 travailleurs sont au chômage. Ce chiffre risque de s'accroître avec les nouveaux diplômés mis sur le marché de l'emploi, d'où l'ampleur du phénomène de l'immigration clandestine vers les pays européens ces derniers mois. En l'absence d'images et d'informations sur ces cas, les Tunisiens, surtout ceux de l'intérieur du pays, souffrent le martyre et ne trouvent pas à qui raconter leur misère. Cela sans compter les réfugiés ayant fuit la guerre en Libye. Les chiffres officiels évoquent près de 500 000 personnes, essentiellement des Africains et des Asiatiques, qui ne peuvent pas renter chez eux, parce qu'ils n'ont pas de quoi manger. Les difficultés de la Tunisie sont d'autant plus dramatiques. L'économie est entièrement dépendante des pays occidentaux alors que l'agriculture a été délaissée au profit des métiers de la ville. Le Premier ministre tunisien, Béji Caïd Essebsi, a dû entamer, il y a quelques mois, une tournée dans les capitales des bailleurs de fonds arabes potentiels. Après une première aide de 100 millions de dollars recueillie à Alger, il vient de rentrer d'un voyage qualifié de "fructueux" au Qatar, aux Emirats arabes unis et au Koweït. Pour certains, la Tunisie ne pourra s'en sortir que si elle compte sur elle-même et non sur "l'aumône occidentale".