Pondérée et sereine, Sadia Azzoug Talbi suggère d'être une conteuse qui déroule le fil d'Ariane pour exprimer sans jugement cet amour pour cette contrée des hauts plateaux. Plaidant ardemment pour le souci de la préservation de la parole du terroir, elle enjambe le temps, exhume le passé et nous livre une saga colorée qui tient du conte avec comme points sous-jacents des faits réels. Cet auteur dont l'écriture lui procure un réel plaisir fouille, inspecte et interroge ce passé tantôt glorieux, tantôt sinistre pour donner à ces périodes une dimension humaine. Comme disait Flaubert «L'avenir nous tourmente, le passé nous retient». Indubitablement, il semble rattaché Sadia à des réminiscences nostalgiques. Après le maître de thala, elle signe son second roman tissé de fragments de vie et de brisures de souvenirs tout en faisant une incursion dans l'histoire. Dans cet entretien, Sadia Azzoug-Talbi raconte ses prémices d'écriture et cet engouement pour l'Histoire. Le temps d'Algérie : comment avez-vous emprunté le chemin de l'écriture ? Il est difficile pour moi de dire comment j'ai emprunté le chemin de l'écriture. Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours écrit. Toujours de la même manière, sans jamais utiliser le dialogue, dans les contes, comme dans les romans ou les nouvelles. J'ai l'impression de voir se dérouler l'action et les événements. J'assiste comme spectatrice. Dans votre nouveau roman l'étrange histoire du Djebel Naga, vous conjuguez l'imaginaire aux faits réels ? Avez-vous vécu dans cette contrée ? La conjugaison de l'imaginaire aux faits réels dans le roman est destinée à mettre en évidence l'importance de la croyance en l'âme de Sidi Aissa et de sa «baraka» par une population livrée à elle-même, dans un environnement hostile. Les faits rapportés ont été constatés pendant les dix ans de ma prime enfance vécue dans ce village. On remarque beaucoup de recherches. Peut-on savoir où vous avez trouvé toutes ces informations ? De cette enfance dont j'ai gardé une sorte d'enchantement, j'ai eu envie d'écrire, de découvrir le personnage de Sidi Aissa Ben Mohamed, le saint patron du village. A l'exception du tombeau monumental fréquenté par tous les habitants aissaouis ou non de la localité, personne n'aurait pu dire un mot. C'est à partir de petites notes en bas de pages d'une thèse de Despois sur le Hodna que s'est ouvert un véritable «boulevard» me menant à travers des sources diverses jusqu'au XVIe siècle de l'ère chrétienne. Pourquoi la période inhérente à la chute de Grenade a été le point de départ à votre narration ? Les luttes des Portugais d'Henri le Navigateur au XVe siècle, plus tard la chute de Grenade et la Reconquista par les rois catholiques ont été des points de départ du roman. Il m'est paru logique de commencer par ce qui avait fait le malheur des Maures d'Andalousie et des villes côtières algériennes pour servir de décor et de point de départ de cette histoire. L'origine de la rencontre de deux saints d'Algérie dont l'action centrale était un acte politique et un élément important de l'intrigue. Que représente pour vous la littérature ? L'écriture est-elle un exutoire ou pour faire connaître des faits ignorés ? La littérature n'est pas une. Elle est infiniment définissable. C'est à la fois un exutoire et aussi un moyen de connaître et de faire connaître des événements souvent ignorés. Souvent, suivant le genre et le thème, c'est aussi un délassement, un moyen d'évasion. Quel est votre prochain projet d'écriture ? Mon prochain projet d'écriture se passera dans les Alpujerras lors de la désignation du ou des nouveaux rois de Grenade. Mais je ne peux en dire davantage pour le moment.