La crise des liquidités qui frappe certains bureaux de poste n'est pas le seul écueil qui entrave les transactions commerciales à Oran. Les billets de banque se font rares, mais les pièces de monnaie ont tendance elles aussi à s'éclipser, ce qui rend les rapports entre les commerçants et leur clientèle parfois tendus. «Je prépare de la petite monnaie mais dès que je commence le travail, je me retrouve en panne. Ce n'est plus comme avant où on pouvait se rendre au premier bureau de poste ou de banque pour en avoir», dit Houari, un chauffeur de taxi qui reconnaît que depuis quelques jours, il passe un temps fou à courir les kiosques multiservice pour trouver quelques menues pièces qui lui permettent de tenir jusqu'à midi. Certains commerçants ont pris l'habitude de trouver chez des mendiants de la petite monnaie, «mais généralement, ils ne viennent que le soir, en fin de journée, ce qui n'est pas fait pour arranger nos affaires», fera remarquer Saïd. Pour lui, la situation va s'aggraver avec la mise en circulation des billets de 2000 DA. «Trouvez-vous normal qu'on envoie un enfant acheter un sachet de lait avec un billet de 2000 DA à la main ? Parfois, cela se passe en début de journée. Pour ne pas lui remettre toute la petite monnaie que j'ai préparée pour la journée, je suis obligé de le servir sans être payé. Imaginez que vous avez une dizaine de clients dans le même cas et vous aurez une perte de plusieurs dizaines de dinars par la faute de la crise qui frappe la petite monnaie», dira-t-il. A Oran, certains commerçants ont mis sur pied un système qui leur permet de supporter cette crise. Ces derniers se sont arrangés avec une dizaine de gérants de kiosques multiservice et de receveurs de bus pour échanger, chaque vendredi, avant la prière, la recette de la semaine. «On échange nos billets contre de la petite monnaie, mais nous sommes obligés de leur verser pour chaque 1000 DA échangés une commission de 100 DA. Et quand chaque commerçant échange en moyenne 10 000 DA, avouez que c'est une belle somme qu'ils récoltent au terme de cette transaction qui se déroule en pleine rue», avouera Ali, précisant qu'il est obligé d'agir ainsi pour s'assurer un bon fonds de caisse qui lui permet de tenir la semaine. Curieusement, cette crise frappe même certains bureaux de poste. «Je me suis retrouvée à ne plus vendre de timbres-poste parce que je ne peux pas rendre la monnaie si un client me tend une pièce de 20 ou 50 DA ou un billet de banque. J'ai donné gratuitement des timbres à des étudiants qui en avaient besoin pour leurs inscriptions universitaires. Je suis obligée de les payer de ma poche. Je peux le faire une ou deux fois mais je ne peux pas assumer à mes frais les conséquences de cette crise», avoue une préposée à un guichet de poste. Plusieurs citoyens se plaignent de cette situation. La petite monnaie est très rare «Je suis obligé de préparer 15 dinars à chaque fois que je prends le bus.» Les receveurs ronchonnent parfois quand on leur tend une pièce de 20 ou 50 dinars. Ils manquent de pièces de 5 DA qui deviennent une denrée rare à Oran par la faute de la dernière augmentation du prix du billet de voyage des lignes urbaines qui est passé de 10 à 15 DA, expliquera la mort dans l'âme Ali. Certains commerçants, pour éviter des désagréments avec leur clientèle durant ce mois, ont pris l'habitude d'arrondir leurs prix. «Je préfère agir de la sorte plutôt que de me farcir la mauvaise humeur des jeûneurs. Je ne sais pas quand on pourra reprendre la bonne vieille habitude d'aller dans les banques échanger nos billets contre de la petite monnaie. On nous dit que cette crise est passagère mais quand on voit qu'on éprouve tant de difficultés pour échanger un billet de 200 dinars usé, élimé et rapiécé, on se dit que la crise de la petite monnaie est partie pour durer dans le temps», soulignera Samir, le gérant d'un cybercafé qui précisera que lui aussi a pris l'habitude de régler ses tarifs en fonction de la disponibilité des pièces de monnaie.