Présentée vendredi au secrétaire général des nations unies par le président palestinien Mahmoud Abbas, la demande d'adhésion de la Palestine aux Nations unies sera débattue dès demain par le conseil de sécurité. Le président Abbas a été longuement ovationné vendredi par l'assemblée générale des nations unies devant laquelle il a présenté solennellement la requête de reconnaissance d'un Etat palestinien. «J'ai remis au secrétaire général Ban Ki Moon la demande d'adhésion comme membre à part entière des Nations unies de la Palestine sur la base des lignes du 4 juin 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale». Il a brandi le document au-dessus de sa tête. «Nous sommes prêts à revenir immédiatement aux négociations sur la base des références fondées sur le droit international et d'un arrêt total de la colonisation», a souligné le président Abbas, précisant qu'avec cette démarche, les palestiniens «ne cherchaient pas à isoler ni à délégitimer Israël» mais l'occupation et la colonisation «sont en train de détruire une solution à deux Etats». Le pouvoir israélien actuel, a-t-il lancé, a «sapé tous les efforts de paix depuis un an». Lundi après-midi, le Conseil de sécurité se réunira pour une première séance de consultations sur la demande d'adhésion d'un Etat de Palestine à l'Onu, a annoncé l'ambassadeur du Liban, Nawaf Salam, qui préside le Conseil en ce mois de septembre. Nawaf Salam a précisé qu'il avait transmis la demande palestinienne aux quatorze autres Etats membres du Conseil, après l'avoir lui-même reçue du secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon. Peu après, Benjamin Netanyahu lui succédait à la tribune pour déclarer que seules des négociations directes pouvaient aboutir à la paix, position appuyée cette semaine par le président américain Barack Obama. «Je tends la main au peuple palestinien», a dit le dirigeant israélien. «La vérité est qu'Israël veut la paix, la vérité est que je veux la paix.» Mais il a ajouté : «Nous ne pouvons pas parvenir à la paix par des résolutions de l'Onu.» L'initiative de Mahmoud Abbas illustre la désillusion des Palestiniens après vingt années de discussions sous parrainage américain qui n'ont pas permis de surmonter les obstacles à la paix, et leur inquiétude face à la colonisation juive en Cisjordanie. Elle souligne aussi la perte d'influence des Etats-Unis dans la région après la vague de contestation du «printemps arabe» qui a aggravé l'isolement d'Israël. «Notre peuple poursuivra sa résistance populaire pacifique», a dit le président palestinien. «Ces implantations juives anéantiront les chances de parvenir à une solution à deux Etats et (...) menacent de saper la structure de l'Autorité nationale palestinienne, voire son existence.» Joie en Cisjordanie et rejet à Ghaza Des milliers d'habitants de Cisjordanie ont réagi avec un mélange de fierté et de circonspection en entendant le discours de Mahmoud Abbas aux Nations unies, mais le mouvement de résistance Hamas au pouvoir à Ghaza s'en sont nettement démarqués. «Nous sommes venus nous joindre à notre peuple pour revendiquer nos droits», a déclaré Mohamed Hamidat, 40 ans, en suivant avec sa femme et ses enfants les événements de New York sur un écran géant autour duquel on agitait des drapeaux palestiniens. «Avec l'horizon bouché qui est le nôtre actuellement, c'est la seule chose que nous puissions faire, même si cela aboutit à un échec. Cela fait des années que nous ne voyons rien apparaître de nouveau : c'est un premier pas.» Dans la bande de Ghaza, Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas qui refuse de reconnaître Israël, a déclaré que les Palestiniens ne devaient pas quémander un Etat, la libération de la terre palestinienne constituant un préalable. Cette demande risque de ne pas trouver de réponse dans l'immédiat. Les quinze membres du Conseil ne devraient pas prendre de décision avant «plusieurs semaines», selon le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Une première réunion du Conseil de sécurité se réunira lundi après-midi pour une première séance de consultations sur cette demande. Elle a d'ailleurs été transmise aux 14 autres Etats membres du Conseil. Les Palestiniens espèrent obtenir au moins neuf voix sur quinze, le minimum requis pour que leur demande puisse faire l'objet d'une «recommandation» à l'Assemblée générale, passage obligé pour que celle-ci se prononce par un vote à son tour. Six membres du Conseil de sécurité, permanents ou non, ont déjà dit qu'ils approuvaient la demande palestinienne. Il s'agit de la Chine, la Russie, le Brésil, l'Inde, le Liban et l'Afrique du Sud. Le veto des Etats-Unis Le texte pourrait encore être repoussé si les Etats-Unis utilisent leur droit de veto. Et Washington a déjà brandi cette menace. Si Barack Obama oppose son veto, le président américain gagnera des points dans son pays à treize mois de l'élection présidentielle. Seulement il espère néanmoins l'éviter, car un veto ne serait pas sans conséquences pour son image déjà ternie dans le monde arabe. Barack Obama mise alors sur l'abstention des Etats encore indécis, comme le Gabon ou encore la Bosnie. La France et la Grande-Bretagne, quant à elles, devraient sans doute s'abstenir. Mais les deux pays devraient soutenir, dans plusieurs semaines, un statut «intermédiaire d'Etat observateur» non membre de l'ONU pour la Palestine. Ce statut serait soumis au vote des 193 Etats membres. Il permettrait aux Palestiniens de faire reconnaître officiellement par la Cour pénale internationale la situation d'occupation de la Cisjordanie par l'Etat d'Israël.