La lutte contre la corruption est l'un des supposés axes majeurs de la politique étrangère de la France. Or, s'il est un domaine dans lequel cette vieille démocratie n'est pas qualifiée pour donner des leçons aux autres comme elle le fait en ce moment, même aux régimes des Républiques d'Afrique dont l'ancienne puissance coloniale est le plus fidèle des alliés, c'est bien celui de la corruption. Nicolas Sarkozy, empêtré dans l'affaire Karachi, écorné par l'affaire Bettencourt et passablement impliqué par les valises de la Centrafrique, se trouve au cœur d'un véritable système de corruption rarement connu dans les annales de la cinquième République française, pourtant «riche» en frasques de cette nature. Pour ce motif, Nicolas Sarkozy est, aujourd'hui, au plus bas dans les sondages et sa candidature à sa propre succession est remise en question y compris au sein de sa famille politique. Jamais mandat d'un président français de la IVe République n'a été marqué par autant de scandales financiers, bien que le lien particulier des plus hauts dirigeants français avec l'argent louche, soit du domaine public. D'ailleurs, Nicolas Sarkozy a inauguré son mandat présidentiel par un voyage en jet privé d'un empereur de l'argent suivi d'une croisière tout frais payés près de l'île de Malte. C'est un indice du vice du luxe et de l'ostentatoire qui colle à la peau des présidents de la Ve République. Giscard d'Estaing n'a pas décliné l'offre généreuse d'un lot de diamants faite à sa femme par l'autoproclamé «Empereur Jean Bedel Bokassa 1er» de la République Centrafricaine. Le plus tristement célèbre des dictateurs africains, dont les bastonnades publiques avaient indigné le secrétaire général des Nations unies de l'époque, Kurt Waldheim, se proclamait «ami» de Giscard d'Estaing, «cousin» de Jacques Chirac et enfant naturel du général De Gaulle qu'il appelait publiquement et officiellement «papa». Les affaires de gros sous Les «diamants de Bokassa» n'étaient pas l'exception qui confirment la règle des affaires de corruption qui ont fait bien des carrières à l'Elysée, mais la règle elle-même. Hormis le général De Gaulle et ses intimes politiques à l'instar de Georges Pompidou, tous les chefs d'Etat de la Ve République ont été plus ou moins mêlés à des affaires de dessous de table. L'«Affaire des diamants est un dossier prescrit». Jacques Chirac est poursuivi, à ce jour, pour les faux emplois qu'il a créés à la mairie de Paris. Rattrapé par cette affaire de détournement de l'argent du contribuable français, après deux mandats à la tête de l'Elysée, ses avocats ont invoqué l'«incapacité mentale» pour se présenter devant le tribunal qui devait le juger. Pas de procès pour l'ancien chef d'Etat. Le non-lieu est prononcé, cette fois, au profit de son ex-Premier ministre, Dominique de Villepin, que Nicolas Sarkozy avait promis de «pendre à un crochet de boucher» pour avoir cherché à l'impliquer dans l'affaire des comptes obscurs de «Clearstream». L'affaire Karachi, des sous et du sang Mais les scandales qui risquent de remonter jusqu'à Sarkozy les dépassent tous. L'affaire des rétrocommissions dans des ventes d'armes constitue probablement l'un des feuilletons les plus glauques de la compromission du politique avec le monde parallèle des affaires. L'affaire Karachi d'abord, où il y a eu des représailles sanglantes avec l'assassinat de plusieurs Français. L'argent indûment perçu de la transaction devait servir à financer la campagne du candidat Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le plus proche collaborateur. Une autre affaire de vente de frégates à l'Arabie Saoudite a également permis de «prélever» une dîme pour la cagnotte de la campagne Balladur. Les révélations ont mis à mal ce que les médias français appellent la «Sarkozie», et plusieurs hommes de confiance du président français sont visés par la justice. Si cette dernière n'est pas encore remontée jusqu'au «plus américain» des chefs d'Etat français, il n'est un mystère pour personne que Sarkozy ne peut être convaincant dans son rôle de «je ne savais pas», ou en invoquant la théorie du complot. Cette ligne de défense est aussi pathétique que celle de son ancien mentor qui, pour justifier les millions d'euros en espèces ayant transité par son compte de campagne, parle de vente de tee-shirts et autres gadgets.
«Il le vaut bien» Cette affaire de corruption est l'un des nombreux scandales financiers qui font la «une» de l'actualité politique en France où apparaît en bonne place le nom de Nicolas Sarkozy. Le comptable de Mme Betancourt et le magistrat en charge de l'affaire qui porte le nom de la dame la plus riche de France ont la preuve que Nicolas Sarkozy a bien été soudoyé. Par le plus grand des miracles, les témoins reviennent un à un sur leurs dépositions. Sarkozy a aussi le bras long dans les médias pour orienter l'enquête sur les «valises de Bongo», au besoin vers ses seuls anciens collaborateurs qui l'ont accompagné jusqu'aux portes de l'Elysée. Comme la camorra, il ne touche pas à l'argent de la drogue. Après Eric Woerth, Brice Hortefeux, son ex-ministre de l'Intérieur acceptera-t-il de servir de bouc émissaire pour que son ami et camarade de classe devenu président reste «au-dessus de tout soupçon». C'est, pourtant, une certitude que Sarkozy a reçu par valises l'argent qui lui manquait pour faire sa campagne pour l'Elysée.
L'argent de la misère africaine Un argent sale puisé dans les misérables caisses des peuples africains, parmi les pauvres du monde. Beaucoup de gouvernements des anciennes colonies africaines de la France ont admis sinon reconnu à travers leur silence avoir contribué au financement de la campagne de Sarkozy. Aujourd'hui, les monarchies pétrolières du Golfe apparaissent dans les rapports des juges anti-corruption qui enquêtent sur les affaires de corruption en France. Une affaire de gros sous en perspective qui n'a pas dévoilé tous ses secrets. Beaucoup se demandent, aujourd'hui, si le fils du colonel Kadhafi, Seif El Islam, a réellement fait dans la calomnie quand il affirme être en possession de virements ayant servi à financer la campagne de Sarkozy. L'engagement de la France dans le conflit libyen est une autre affaire de «corruption» qui dévoilera, en son temps, le plus scandaleux des «marchés» passés à l'étranger par le président français. Au plus bas dans les sondages, il est peu probable qu'il sera le prochain président de son pays, peut-être même pas candidat si des primaires avaient lieu dans son parti, l'UPM. «Sarkozy doit se poser des questions» sur la chute libre de la droite et la prise de l'imprenable citadelle du Sénat par la gauche, dit-on à l'UMP. L'aventure guerrière en Libye au nom de la démocratie quelques mois après avoir essayé de doter Ben Ali de moyens répressifs pour contrer les manifestations en Tunisie, les gesticulations internationales pour «sauver» la Grèce grâce au trésorier allemand alors que la France cumule les records de déficit et d'endettement, les déclarations belliqueuses contre la Syrie, la croisade qui se drape de démocratie et de bonne gouvernance, tout cela ne fait pas sérieux quand on cumule autant de casseroles. Sarkozy risque de se faire rattraper par son passé après 2012. L'«Affaire Karachi», les contre-vérités et les mensonges qui l'entourent ne fait que commencer. A quand le printemps français ?