Répondant aux récentes déclarations du président français Sarkozy au sujet du génocide arménien, le ministre turc aux affaires européennes Egemen Bagis a renvoyé le chef d'Etat français à sa propre histoire, en lui donnant au passage une «leçon» de vision politique. «Il serait mieux, pour la sérénité en France, en Europe et dans le monde que M. Sarkozy abandonne le rôle de l'historien et se creuse un peu la tête pour sortir son pays du gouffre économique dans lequel il se trouve et produise des projets pour l'avenir de l'Union européenne», a déclaré le ministre turc. Cette réponse vient suite à la déclaration de Nicolas Sarkozy, qui avait demandé, lors de sa visite à Erevan, à la Turquie de reconnaître le plus rapidement possible le génocide arménien. Nicolas Sarkozy, en butte à l'hostilité des Arméniens de France, à qui il avait fait une promesse électorale et qui se sont fait forts de le lui rappeler, a raté son coup sur le plan de la communication et, probablement, créé un nouveau contentieux avec la Turquie. En outre, ses déclarations tranchent avec celles, empreintes de sagesse et de vision d'avenir, du plus arménien des Français, Charles Aznavour, qui accompagnait le chef de l'Etat français dans sa virée caucasienne. Le président français a tenu à rappeler les quelque 300 à 350.000 morts de la période entre 1915/1916. Pour les Turcs, qui reconnaissent les centaines de morts, cela doit être marqué sur le dos du dernier régime ottoman, alors que pour les Occidentaux, notamment les USA, c'est un génocide de plus d'un million de morts. Même si c'est le cas, pourquoi Sarkozy ne parle pas des 1million et demi de morts assassinés durant la colonisation française ? Pour le ministre turc, le président français sortant a saisi cette occasion et ce sujet pour détourner l'attention et tenter de faire oublier les récents scandales qui l'ont touché à l'approche des élections françaises. «Sarkozy a probablement adopté ce type d'approche après avoir été effrayé par les derniers sondages politiques en France», a précisé Egeman Bagis. Plus cinglant, le ministre turc offre une leçon de lucidité politique au président français : «Notre mission, en tant qu'hommes politiques, n'est pas de définir le passé ou les événements du passé. C'est de définir l'avenir», De son côté, le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a mis en avant «l'opportunisme politique» et les «propos qui s'inscrivent totalement dans le contexte électoral en France». Renvoyant la France à son passé colonial, il dira : «Ceux qui disent à la Turquie de se réconcilier avec son passé doivent d'abord se regarder dans un miroir», a-t-il tenu à rappeler, faisant allusion aux massacres de millions d'Algériens durant la période coloniale. Hasard du calendrier, le minsitre français de l'Intérieur était le même jour à Ankara, où il a essayé d'atténuer l'incident en détournant la question. Interrogé sur la réaction de la France au cas où la Turquie décidait de reconnaître «le génocide commis par la France en Algérie», Claude Guéant a répondu : «Le président de la République française est allé en Algérie, il a eu des propos extrêmement forts sur ce moment douloureux de notre passé entre l'Algérie et la France. Il a tourné la page».