Le 17 octobre 1961, la répression d'une manifestation à Paris d'Algériens réclamant l'indépendance de leur pays fait peut-être 200 morts et, pendant trente ans, ce drame est occulté. Pourtant, dès l'époque, deux journalistes Marcel et Paulette Péju, avaient recueilli des témoignages accablants, publiés pour la première fois. Les Editions La Découverte ont réuni dans un même volume le manuscrit intégral de Marcel Péju (1922-2005) et Paulette Péju (1919-1979) "Le 17 octobre des Algériens", complété par des notes et une étude parue depuis, et un texte de l'historien Gilles Manceron, "La triple occultation d'un massacre". A cinq mois de la fin de la guerre d'Algérie, "Paris a connu le plus grand massacre de gens du peuple depuis la Semaine sanglante de 1871", pendant la Commune, souligne l'éditeur. Des dizaines de milliers d'Algériens manifestant sans armes ont été violemment réprimés par des policiers aux ordres du préfet Maurice Papon, faisant de trois morts (version officielle de l'époque) à plus de deux cents, selon les travaux d'historiens. Pendant une trentaine d'années, ce drame a été "oublié". Pourtant, dès l'époque, certains ont tenté de le dénoncer. En témoigne ce texte inédit, nourri de nombreux témoignages d'Algériens recueillis à chaud, que les auteurs devaient faire paraître à l'été 1962. Gilles Manceron, vice-président de la Ligue des droits de l'homme jusqu'en juin 2011, écrit que Papon, appuyé dans le gouvernement par ceux qui désapprouvaient les choix du général de Gaulle dans les négociations en cours pour l'indépendance de l'Algérie, a orchestré la répression en donnant aux policiers une sorte de "permis de tuer". Il analyse également la dissimulation de ce drame par ses responsables au sein de l'Etat français, et le silence des premiers responsables de l'Algérie indépendante, les organisateurs de la manifestation du 17 octobre étant devenus leurs opposants.