Tout au long des années 1980 et 1990, des intellectuels et des journalistes travaillent afin que le 17 Octobre enregistre une remontée de la mémoire. Le massacre du 17 Octobre 1961 désigne la répression ayant frappé une manifestation pacifique en faveur de l'indépendance de l' Algérie à Paris. Plusieurs Maghrébins sont sous les coups de la police, alors dirigée par Maurice Papon. Des dizaines de manifestants ont été jetés dans la Seine, tandis que d'autres sont morts dans des centres de détention où ils seront enfermés pendant quatre jours. Nié par les plus hautes autorités de l'époque, le massacre n'a commencé à faire l'objet de recherche qu'à partir du milieu des années 1970. Le film-documentaire Une journée portée disparue des cinéastes Philp Brooks et Alain Hayling, qui témoigne des horreurs de la répression policière du 17 octobre 1961 à Paris contre des manifestants pacifiques algériens, est à l'affiche des manifestations prévues à l'occasion de la commémoration, mercredi, de ce crime contre l'humanité. Le documentaire est un recueil de témoignages croisés de victimes algériennes, témoins, et responsables politiques dont Ali Haroun et Omar Boudaoud de la Fédération de France du FLN. Les témoignages sont soutenus par des photographies dont celles d'Elie Kagan, photographe français témoin de la répression. Les témoignages dont ceux d'officiels français qui ont assisté à la répression sanglante, ont été mis en scène dans les lieux mêmes où se sont déroulés ces crimes contre l'humanité. Parmi eux la jeune Fatima Bedar âgée de 15 ans, dont le corps, avait été jeté cette nuit-là dans la Seine, récemment rapatrié en Algérie et réinhumé au carré des martyrs de la ville de Tichy (Béjaïa). Une journée portée disparue, c'est contre l'occultation d'un crime colonial que ce film australien s'inscrit, en relançant de rares archives réalisées par ceux qui, témoins du drame, avaient tenté de briser le silence... En fin 1961, le livre Ratonnades à Paris, de P. Péju, est saisi lui aussi. Le film de J. Panijel, Octobre à Paris, qui reconstitue la manifestation à partir des photos de E. Kagan et de témoignages d'Algériens. La censure d'Etat s'était poursuivie avec l'empêchement de la création d'une commission d'enquête sur les crimes du 17 Octobre. Aucune des poursuites judiciaires engagées, aucune des plaintes déposées n'ont abouti. C'est autour de ces silences coupables, que le débat est animé par les historiens Olivier Le Cour Grandmaison et Jean-Luc Einaudi, respectivement auteurs de La bataille de Paris, 17 octobre 1961 (Seuil 1991) et Le 17 octobre 1961: Un crime d'Etat à Paris, (La Dispute). C'est une chaîne anglaise, Channel Four, qui a accepté de le produire. Lors du tournage, les cinéastes s'étaient assuré les conseils de l'historien Jean Luc Einaudi. Parmi les films ayant traité de ce crime contre l'humanité, on retient aussi Le silence du fleuve de Mehdi Lalloui et Agnès Denis Mémoire vive production, 1991. De nombreux livres ont aussi dénoncé ce haut fait des crimes coloniaux, dont Les ratonnades d'Octobre: un meurtre collectif de Michel Lévine (Ramsay, 1985) et Ce jour qui n'ébranla pas Paris de Pierre Vidal- Naquet (La Découverte, 1989). Sur le plan de l'image, le biologiste Jacques Panijel entreprend une enquête qui donnera le film Octobre à Paris. M.Trillat et G. Mattéi rappellent les événements dans le journal télévisé du soir. C'était la première fois qu'ils étaient évoqués à la télévision française. Des centaines d'ouvrages, de documents filmés, de chroniques d'associations, sans oublier les ouvrages des historiens, ou celui des collectifs d'intellectuels tel que celui dirigé par Olivier Le cour Grandmaison, ont contribué à la reconstitution de cet événement tragique dont la mémoire, selon les historiens, «participe d'un mouvement plus général» regroupant bien d'autres faits dramatiques liées à la colonisation qui redevient une question centrale dans l'opinion publique française d'aujourd'hui.