C'est le premier procès de l'une des victimes du printemps noir de 2001 en Kabylie. L'affaire de Chaibet Hocine, un collégien natif du village Iaâllalen, dans la commune d'Ait Yahia Moussa, à une trentaine de kilomètres au sud de Tizi Ouzou, a été traitée avant-hier au tribunal correctionnel de Draâ El Mizan. Le procès a duré plus de six heures. Maître Ouelmokhtar Amar, avocat de la famille du défunt, nous rappellera qu'une audition des accusés au nombre de cinq a eu lieu déjà en 2003. Mais ce n'est qu'en 2007 qu'ils ont été jugés pour crime, puis l'affaire est traitée à la cour suprême avant qu'elle ne soit requalifiée. Les accusés seront alors poursuivis pour homicide involontaire. Le juge demandera une enquête complémentaire, et c'est en 2008 que les deux parties seront entendues. Lundi dernier, deux témoins ont clairement chargé le chef de détachement de la garde communale d'Aït Yahia Moussa, l'accusant d'avoir tiré en direction des jeunes manifestants le 28 avril 2001. «Je l'ai vu lorsqu'il s'est accroupi, usant de son arme, et tiré sur les jeunes», dira l'un d'entre eux. Pour Me Ouelmokhtar, «on a plaidé l'incompétence du tribunal correctionnel à traiter cette affaire et demandé que les accusés soient traduits devant un tribunal criminel, du moment qu'il s'agit bien d'un crime où il y a eu mort d'homme». Mais il semblerait que la justice ne voie pas les choses sous le même angle ! Plus que cela, «nous avons demandé subsidiairement que le tribunal de Draâ El Mizan se déplace sur les lieux du crime pour situer et reconstituer les faits», nous dira encore le même avocat. Selon lui, il y a d'autres anomalies qui ont caractérisé l'enquête, comme l'étude balistique qui n'a pas été faite, le rapport du médecin légiste qui aurait dû faire son travail et déterminer la balle qui a atteint Hocine, mais aussi le rapport d'un responsable militaire à Draâ El Mizan qui a disparu, et où il est indiqué clairement qu'une instruction a été donnée aux gardes communaux d'Aït Yahia Moussa de ne pas tirer sur les manifestants quoi qu'il en soit. «Tout cela rend le procès flou», dit-il. Pour Amar Chaibet, «il ne peut y avoir de justice sans une reconstitution des faits. Encore moins tant que l'affaire est traitée en correctionnelle». L'affaire remonte en effet au 28 avril 2001 lors des événements du printemps noir en Kabylie. Dans la commune d'Aït Yahia Moussa ce jour- là, Hocine Chaibet, collégien (9eAF) âgé de 16 ans, était loin des manifestants qui s'en sont pris au siège de la brigade de gendarmerie, lorsqu'il est atteint par les balles assassines de la garde communale. L'enfant d'Iaâllalen tomba sur le champ et rendra l'âme dans le véhicule qui le transportait à l'hôpital. Tard dans l'après midi d'avant-hier, le procureur de la république s'est prononcé et a requis une peine de deux ans de prison ferme à l'encontre de chacun des quatre accusés (un d'entre eux est décédé, Ndlr). Le procès est mis en délibéré pour le 14 novembre prochain.