La restitution par la France du canon Baba Merzoug, pièce d'artillerie unique en son genre au XIVe siècle, a été le cheval de bataille de la Fondation Casbah depuis sa création en 1996, et de son président, Belkacem Babaci. Sans être historien, M. Babaci a beaucoup travaillé sur l'époque ottomane de l'Algérie, sous les conseils avisés de ses amis historiens Mahfoud Keddache, Mustapha Lacheref, Abdelkader Djilali et Moulay Belhamissi. Durant les 25 dernières années, il s'est personnellement intéressé au sort réservé au canon Baba Merzoug, expédié comme butin de guerre en métropole par l'armée coloniale un mois après la chute d'Alger en juillet 1830. Construit en bronze, en 1542, le canon, long de 6,25 m, pesant 12 tonnes et ayant une portée de 4,8 km, était une pièce maîtresse dans le système de défense de la ville pendant trois siècles. Aucun autre modèle de ce type n'a été conçu, à l'époque, ni à Alger ni ailleurs. L'arme se trouve toujours «prisonnière» au port de Brest depuis 182 ans. Les différentes démarches effectuées par la fondation en vue de la récupérer ont abouti à un engagement français de principe. Hier, lors d'une conférence donnée au Forum d'El Moudjahid, le chercheur est revenu sur ce «combat». Il a d'abord révélé qu'il avait été convoqué à la présidence de la République après avoir interpellé, dans la presse nationale, Nicolas Sarkozy, le président français, à propos de la restitution du canon. Suite à quoi, il a remis un dossier sur cette affaire à la présidence, dont il était ancien fonctionnaire. Au dossier, à la demande de la présidence, il a joint dix exemplaires de son livre l'Epopée de Baba Merzoug le canon d'Alger (Colorset, début 2010). «Le canon a été officiellement demandé par le chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika lors du 25e sommet France-Afrique de Nice (mai-2010). Il a remis les dix exemplaires du livre à M. Sarkozy et à d'autres hauts responsables de son gouvernement. Il a été surpris de savoir que parmi eux, il y avait ceux qui l'ont déjà lu, par le biais de la fondation Casbah, croit-il savoir. D'après les informations qui lui sont parvenues, M. Babaci a affirmé que la réponse à cette demande officielle de restitution a été donnée à l'Algérie par le biais de l'ex-secrétaire général de la présidence française, Claude Guéant, en déplacement à Alger quelques temps après le sommet. La réponse serait la suivante : le canon serait restitué le 5 juillet 2012, à l'occasion du 50e anniversaire de l'Indépendance, pour peu que les autorités algériennes se montrent d'ici là discrètes sur ce dossier. Aussi, le président de la Fondation Casbah et ses collaborateurs ont été invités à continuer à faire pression sur cette question tout en étant discrets, autrement dit, éviter de l'étaler dans les colonnes des journaux. Mais le chercheur a fini par rendre publique l'information dans une déclaration faite à l'APS début octobre dernier. Il ne s'attendait pas à la suite des événements. «J'ai continué à lutter jusqu'au jour où j'ai appris la création d'un comité national pour la restitution du canon», a déclaré le conférencier visiblement surpris par la rapide tournure qu'a pris le dossier. C'est, en effet, ce comité dit national, présidé par l'avocate Fatima Benbrahem, qui a organisé la conférence d'hier au Forum d'El Moudjahid. Par le fait même de chercher à médiatiser leur action, ses membres s'écartent de la nécessaire discrétion prônée jusqu'ici en haut lieu. «Baba Merzoug, après 182 ans d'absence, doit rentrer à la maison Algérie pour célébrer avec son peuple le cinquantenaire de l'Indépendance. Une ultime campagne nationale et internationale est lancée», prône le nouveau comité. «Si on m'y invite, c'est bien, sinon je passerai à autre chose», a confié M. Babaci en marge de la conférence.