L'entraîneur du Real Madrid José Mourinho, qui s'apprête ce soir à croiser le fer avec son alter ego du FC Barcelone Pep Guardiola, n'est plus tout à fait le même que celui qui avait vécu la série des clasicos de la saison dernière. En 2010-2011, échaudé par sa première défaite contre les Blaugrana – un 5-0 retentissant au Camp Nou en novembre 2010 – le Portugais avait pris la décision de fermer les vannes et de verrouiller à double tours les buts madrilènes pour les quatre clasicos suivants d'avril-mai. La manœuvre n'avait pas franchement été couronnée de succès puisque les Merengue n'avaient finalement remporté que la finale de la Coupe du roi (1-0) contre le Barça, s'inclinant, par ailleurs, lors des demi-finales de la Ligue des champions (2-0 ; 1-1) et faisant match nul sur la dernière rencontre de Liga (1-1). Aujourd'hui, à Bernabeu, il y a, en revanche, fort à parier que Mourinho abandonnera cette stratégie de destruction pour un jeu faisant enfin la part belle à l'attaque et à l'esprit d'initiative. Ce changement d'attitude, déjà entrevu l'été dernier lors de la Supercoupe d'Espagne, où les Blancs s'étaient certes inclinés (2-2 ; 3-2) mais avaient relevé le défi du jeu que leur proposaient les Blaugrana, s'explique par plusieurs facteurs. Des facteurs de jeu d'abord : accoutumée l'année dernière à procéder par contres, son arme par excellence, l'équipe a peu à peu travaillé sur ses autres secteurs de jeu pour être également au point en attaque placée. Mourinho, qui a égalé mercredi le record du Real de la saison 1960-61 de 15 victoires de rang, faisait récemment le constat de cette métamorphose : «L'équipe gagne et joue bien. Nous sommes désormais capables de gagner de manière différente : sur notre qualité d'ensemble, en nous montrant compacts défensivement ou alors sur notre vitesse de contre.» S'ajoutent à cela quelques ajustements dans le onze titulaire qui ont également porté leurs fruits. Le repositionnement de l'ancien arrière latéral Sergio Ramos dans l'axe aux côtés de Pepe aura ainsi été une riche idée: depuis le recentrage de l'international espagnol, le Real n'a encaissé que sept buts en douze matches. Un «Mou» plus souple Devant, la confiance enfin accordée à Benzema par Mourinho a aussi été profitable à l'équipe. Alternant comme titulaire avec son concurrent argentin Higuain, le Français a apporté au jeu madrilène sa vivacité et sa capacité à s'associer. A eux deux, Higuain et Benzema, «les deux meilleurs attaquants au monde» selon Mourinho, totalisent 19 buts en Liga, soit près d'un tiers des buts inscrits par les Merengue. En dehors du terrain, Mourinho semble également avoir changé quelques détails dans la gestion de l'équipe. Plus souple, moins conservateur, «The Special One» fait davantage tourner son effectif, donnant quand il le peut du temps de jeu à des joueurs moins en vue comme Callejon, Coentrao ou Albiol. Un changement de politique qui remonte à la défaite contre Levante (1-0) – la seule concédée jusqu'à présent par les Blancs. Après ce match, plusieurs cadres du vestiaire madrilène s'étaient plaints auprès de Mourinho de sa confiance aveugle envers certains et de son mépris souverain pour d'autres. Depuis, le Portugais semble avoir mis de l'eau dans son vin, une attitude conciliatrice qui a également diminué les tensions au sein du vestiaire. Tous ces ingrédients ont contribué à forger une équipe beaucoup plus soudée et dangereuse que lors de la première année de Mourinho au club. Une équipe que Manuel Preciado, entraîneur de Gijon, dernière victime en Liga des Merengue (3-0), dépeignée ainsi : «Ils se battent pour chaque ballon comme des enfants jouant leur premier match. Ajoutez à cela la qualité de leurs joueurs et cela devient très compliqué. Ce Madrid-là est évidemment plus fort que celui de l'année dernière.» Le Barça et Guardiola sont donc prévenus.