Mariano Rajoy doit se rendre mercredi à Rabat en visite officielle, la première depuis son investiture le 21 décembre dernier. Le nouveau président du gouvernement espagnol a surpris tout le monde en choisissant de se rendre en priorité au Maroc, alors que tout le monde l´attendait à Bruxelles. Pourtant, quelques jours auparavant, le président espagnol clamait encore que l´Europe était sa «priorité des priorités». Sa première ambition est de faire entrer l´Espagne dans le «noyau dur» des décideurs dirigés par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, qu´il doit recevoir aujourd´hui à Madrid. Durant sa campagne pour les élections générales du 21 novembre dernier, il avait même laissé entendre qu´il dérogerait à la tradition instaurée par Felipe Gonzalez voulant que tout nouveau président espagnol élu se rende d´abord dans ce pays voisin. En quittant le pouvoir en 1996, le premier président de gouvernement socialiste de l´ère de la démocratie en Espagne avait fait cette recommandation à son successeur du parti Populaire, José Maria Aznar. A son tour, le président Zapatero donnera ce même conseil à Mariano Rajoy. Ce dernier ne paraissait pas, au départ, très chaud pour suivre ce conseil. Voilà moins d´une année, il avait été la cible d´une manifestation massive à Casablanca, organisée par le pouvoir conjointement avec 11 partis politiques, le qualifiant d´«ennemi du Maroc». Encore leader de l´opposition, Mariano Rajoy avait eu alors la maladresse de déplorer l´assaut brutal lancé le 8 novembre 2010 par les forces d´occupation au Sahara occidental pour déloger les 20 000 Sahraouis qui avaient pris place dans le camp de protestation pacifique de Gdeim Izik, situé aux abords d´Al Ayoune. José Maria Aznar avait eu droit lors de sa seconde visite officielle à Rabat, au début des années 2000, aux plus virulents commentaires de la presse officielle le présentant en manchettes comme «l´homme qui hait le Maroc». L´ancien président conservateur venait de bloquer l´initiative de Jacques Chirac destinée à faire adopter par les pays de l´Union européenne une position sur le Sahara occidental alignée sur celle de la France. La crise diplomatique qui a suivi entre Madrid et Rabat sur fond de conflit de Perejil, en juillet 2002, lorsqu´une unité amphibie espagnole ira déloger le groupe de gendarmes marocains qui venaient d´occuper ce rocher litigieux situé à 300 m des côtes marocaines, apportera la preuve que l´inflexible Aznar ne se laisse pas intimider par les manœuvres du roi alaouite.
Rajoy se fait inviter à Rabat Mariano Rajoy donne l´impression de s´être laissé convaincre par Nicolas Sarkozy et l´ex-président Zapatero de jouer l´apaisement avec Rabat. Il va faire en effet geste sur geste pour accéder au désir du président français dont le soutien est plus que précieux pour l´admission de l´Espagne dans le club des décideurs européens que l´Italie vient d´intégrer. C´est donc lui qui se fera inviter au Maroc dans les deux conversations téléphoniques qu'il a eues, à sa propre initiative, avec le roi Mohamed VI puis avec le président islamiste Abdallah Benkirane qui n´inspire pourtant pas confiance en Europe. Le geste le plus significatif, il le fera dans le débat des experts qui s´est ouvert vendredi à Bruxelles sur l´examen d´un projet d´accord de pêche que les «27» prévoient de négocier avec Rabat, lorsque, sans surprise, l´Espagne avec la complicité de la France, s´opposera à toute référence explicite au Sahara occidental. Il n´est pas sûr que la multiplication de ces gestes d´apaisement puisse suffire, à terme, pour faire l´impasse sur les grands dossiers litigieux qui empoisonnent les relations hispano-marocaines. Certes, ces relations sont privilégiées au plan économique et commercial, l´Espagne étant le second investisseur au Maroc après la France, et son second client. Trop de litiges Mais beaucoup de litiges planent comme une épée de Damoclès sur ces relations : le retour de l´Espagne à sa position traditionnelle de soutien à l´autodétermination au Sahara occidental, le statut de Ceuta et Melilla considérées comme «villes occupées» par le Maroc, le laxisme des autorités marocaines dans la lutte contre l´émigration clandestine et le trafic de drogue, des phénomènes souvent exploités comme instruments de pression sur Madrid. L´importance de tous ces thèmes va bien au-delà de la visite de M.Rajoy, aux allures protocolaires, mais que les Marocains entendent utiliser pour promouvoir à l´étranger l´image d´un royaume alaouite à la fréquentation incontournable et résolument engagé dans la voie de la démocratie. De notre envoyé spécial à Bruxelles, Hamid A.