Le président provisoire tunisien Moncef Marzouki a estimé dans un entretien accordé hier à l'APS qu'il faudrait «contourner» la question du peuple sahraoui qui aspire à son indépendance et laisser ce problème entre «parenthèses». Le président tunisien, qui se rendra en Algérie dans quelques jours, compte relancer les autorités algériennes sur le dossier de l'Union du Maghreb arabe et bien d'autres questions qui préoccupent Tunis. Le nouveau président tunisien a préféré ne pas s'impliquer dans la question du Sahara occidental qui n'a pas encore connu le règlement tel que préconisé par les résolutions du Conseil de sécurité de l'Onu, expliquant que ce problème ne peut être surmonté. «Quand vous avez un obstacle que vous ne pouvez surmonter, il faut le contourner. Moi, j'appelle à contourner cet obstacle, c'est-à-dire continuer à organiser le Maghreb avec les cinq libertés (la liberté de circulation avec une simple carte d'identité, de travail, d'installation, de propriété, de participation aux élections municipales), continuer à discuter et laisser ce problème, pour le moment, entre parenthèses, le laisser à l'Onu qui s'en est emparé. Je ne dirai pas que ce problème n'existe pas. Il existe et nous ne pouvons pas fermer les yeux. Mettons ce problème entre parenthèses pendant un certain temps mais avec l'idée que si nous avançons vraiment sur le plan de la circulation et de l'installation des personnes, il y aura nécessairement toute une mentalité nouvelle, une nouvelle approche psychologique et un état d'esprit nouveau qui va s'installer dans le Maghreb et, curieusement, ceci va avoir un effet rétroactif positif sur l'ensemble des partenaires, y compris chez les Sahraouis. Je pense que, dans ce nouvel élan, cette nouvelle mentalité, nous allons avoir beaucoup de facilités pour régler ce problème. Si on se dit : on ne fait le Maghreb que si on règle cette question, le Maghreb ne se fera jamais», a tenu à clarifier sa position M. Marzouki. Cette position tunisienne ne va certainement pas plaire au peuple sahraoui qui souffre depuis des décennies de la colonisation marocaine et qui a espéré de la part des nouvelles autorités tunisiennes un appui du moins moral. La relance de l'UMA Pour l'heure, le président provisoire tunisien est préoccupé par la «construction de l'Union du Maghreb arabe (UMA)», précisant en ces termes : «J'espère que nous allons la relancer avec ce nouveau tournant qu'a pris la région du Maghreb après les révolutions de la Tunisie et de la Libye et les transformations qui s'opèrent actuellement en Algérie et au Maroc qui vont plus dans le même sens, celui des réformes et l'ouverture des régimes à la volonté de leur peuple. Tout cela me laisse espérer de remettre le grand Maghreb en marche. Ce sont là nos attentes.» Parmi les autres attentes du nouveau locataire du palais de Carthage, il y a des préoccupations «locales». Il s'agit de la «très grave crise économique et sociale» de la Tunisie et des «poches de pauvreté se trouvent dans les frontières ouest et sud» algéro-tunisiennes. Le président tunisien compte aussi sur la Libye pour faire sortir son pays de la crise sociale. «Nous espérons que la Libye, un pays qui est une bouffée d'oxygène pour nous, se stabilise très rapidement. La Libye peut absorber plus de 150 000 chômeurs tunisiens», surtout que le peuple tunisien «est extrêmement impatient (...) Malheureusement, pour le moment, il ne voit rien venir», a tenu à rappeler M. Marzouki, confiant que «la révolution tunisienne a été accomplie avec un très très faible coût». 15 000 Algériens établis en Tunisie souffrent d'instabilité Concernant le sort d'Algériens vivant en Tunisie sans pièces et documents nécessaires, le président provisoire tunisien a indiqué qu'il suit le dossier et que son «conseiller diplomatique est chargé de régler cette affaire au courant de cette année». M. Marzouki a déploré le fait que des traités signés entre l'Algérie et la Tunisie ne soient pas encore appliqués. «La Tunisie n'est pas l'Iran» S'exprimant sur la montée de l'islamisme en Tunisie, le président Markouzi a répondu en ces termes : «Ceux qui gouvernent le pays émanent d'une coalition entre deux partis : l'un laïque modéré et l'autre islamiste modéré. Ils gouvernent pour maintenir la démocratie, les droits de l'homme et les libertés publiques. Si vous trouvez que c'est un Etat qui ressemble à l'Iran, moi je ne le vois pas du tout.» Quant à la situation en Syrie, il s'aligne sur la position des pays occidentaux, affirmant que «la Tunisie condamne totalement et absolument le régime de Bachar Al-Assad. La seule issue est que cet homme parte et qu'on trouve une solution politique, à savoir un gouvernement d'union nationale qui organise une période intermédiaire, le temps d'organiser des élections libres et honnêtes. Le régime baâthiste est fini et il doit s'en aller».