Le quotidien français l'Humanité a consacré un hors-série à la guerre de libération nationale à paraître lundi, sous le titre "Algérie, 50 ans d'indépendance", relevant que cinquante ans après, "la guerre d'Algérie est encore un objet incandescent". "Après des années de sang et de cendres cette guerre sonnait le glas de l'empire français, d'une illusion coloniale, du sentiment de puissance d'une armée qui croyait encore possible de juguler l'aspiration des peuples à décider de leur destin", souligne l'éditorial du journal, qui considère que "dans les replis des mémoires nationales, algériennes et françaises, les zones d'ombres et les violences continuent à infecter les relations". "L'extrême droite française ravive les haines, la droite classique réclame toujours la réhabilitation du colonialisme et d'autres encore (à) gardent le silence, comme si l'oubli lavait les taches (à)", poursuit-il, estimant que "la compréhension de cet épisode historique est indispensable à l'établissement de nouvelles relations entre les deux rives de la Méditerranée, entre deux peuples si étroitement mêlés par les tourments de l'histoire". L'historien Benjamin Stora observe, quant à lui, dans un entretien que "cette guerre, qui a vu la France coloniale mobiliser des moyens humains (625 000 hommes) et matériels considérables, fut la plus dure guerre de décolonisation française du siècle". Dans un autre entretien, Henri Alleg, directeur du journal Alger Républicain, auteur du livre "La question", sur la pratique de la torture par l'armée française durant la guerre de libération, et dont il a fait l'objet lui aussi, considère que "la France, les autorités françaises, prétendent incarner aux yeux du monde entier, les droits de l'homme, la liberté, les idées nées de la Révolution française". "C'est une façon mensongère de présenter l'histoire et le combat pour la vérité qui est un combat d'aujourd'hui, doit se poursuivre sans relâche", a-t-il ajouté en allusion au principe de reconnaissance de la torture comme "crime de guerre". Des témoignages sont également publiés par le journal l'Humanité dont celui du commandant Azzedine, chef militaire de la wilaya IV dans l'Algérois qui retrace son parcours de combattant durant la guerre de libération nationale et qui, en 1962, avait pour mission de faire respecter le cessez-le-feu et les accords d'Evian et éviter aussi de répondre aux provocations de l'OAS. "Nous nous sommes battus à armes inégales contre le colonialisme", souligne pour sa part la moudjahida Mme Zohra Drif Bitat, actrice de premier plan de la bataille d'Alger en 1957, relevant dans son témoignage que "la glorification actuelle des officiers tortionnaires est la marque d'un profond racisme". "Honorer les tortionnaires qui se sont succédés pendant 132 ans en Algérie, c'est refuser de nous reconnaître comme peuple, c'est nier le combat que nous avons mené pour nous libérer", a-t-elle dit. La moudjahida Louisa Ighil Ahriz, capturée lors d'une embuscade et longuement torturée par les parachutistes français, considère pour sa part qu'"il est curieux de voir la France porter un jugement sur le génocide arménien, alors qu'elle se montre incapable de reconnaître ses propres crimes en Algérie". D'autres témoignages sont rapportés par l'Humanité tel que celui du directeur et éditorialiste de l'hebdomadaire le Nouvel Observateur, Jean Daniel, qui a couvert la guerre de libération pour le compte du journal l'Express. "J'ai très vite pris le parti des Algériens. Depuis toujours. (à) Ils étaient devenus des étrangers dans leur propre pays, un peuple dont le territoire a été annexé et dont la population n'a pas été intégrée", dit-il. L'affaire Maurice Audin, militant du Parti communiste français, enlevé par les parachutistes est également publiée dans ce hors-série, qui déplore dans un article qui lui est consacré que "plus d'un demi-siècle après, l'Etat français dissimule toujours la vérité sur son assassinat". Le quotidien consacre également un article à la répression brutale de la manifestation pacifique d'Algériens du 17 octobre 1961, relevant que de multiples initiatives ont été l'occasion de faire "sortir ces massacres de l'oubli et d'éclairer l'histoire et la mémoire, longtemps souterraine d'une répression qui a fait des centaines de morts et des milliers de blessés". Des reportages sur la "décennie noire" et la lutte antiterroriste, sur les rêves et les ambitions de la jeunesse algérienne, ainsi que des contributions d'écrivains algériens telle qu'Assia Djebbar et Rachid Boudjedra sur le cinquantenaire de l'indépendance nationale figurent également parmi les nombreux articles publiés dans ce hors-série d'une centaine de pages.